Covid-19. Maintien de l’Aïd Al Adha, la grave erreur du gouvernement

L’une des vertus des économistes est qu’ils ne manient pas la langue de bois pour travestir les chiffres comme les rhétoriciens de la politique qui jouent avec les mots pour cacher les maux. La note de conjoncture publiée récemment par la Direction des études et des prévisions financières (DEFP) relevant du ministère de l’économie démontre que l’on ne peut pas maquiller la valeur absolue de la vérité des chiffres.

Dans cette note, le DEFP souligne que les banques manquent de plus en plus de liquidités dont le déficit connaît un creusement exponentiel passant de 96,5 milliards de dirhams (MMDH) en mai à une moyenne de 102,7 MMDH en juillet. La sentence de la DEFP est imparable: « Cette évolution est en relation, particulièrement, avec la hausse de la circulation fiduciaire à l’occasion d’Aïd Al-Adha ».

Enfin la direction d’un ministère a osé démontrer que l’Aïd Al Kebir a eu des répercussions financières sur le système bancaire et par ricochet sur Bank Al-Maghrib qui leur injecte les liquidités. Autant dire que le gouvernement a doublement fauté quand il avait maintenu la célébration de l’Aïd Al Adha alors que le royaume est touché par la plus grave crise épidémique de l’histoire contemporaine.

Au-delà des conséquences économiques de la célébration de l’Aïd, le gouvernement a exposé la population à une grave résurgence de la pandémie encore plus meurtrière que celle que l’on avait connue avant le confinement. Pourtant, plusieurs voix se sont élevées pour mettre en garde le gouvernement contre les conséquences sanitaires de la vente des moutons dans les souks et contre les risques de contamination lors des réunions familiales pendant cette fête.

D’autant plus que les citoyens qui ont perdu leurs emplois après l’arrêt de l’activité économique ont été saignés à blanc par le confinement et n’avaient pas de quoi acheter ce sacré mouton. Mais le gouvernement n’en avait cure, il fallait absolument que les gros éleveurs vendent leur cheptel quitte à provoquer une crise sanitaire d’envergure.

Et comme cette bavure ne suffisait pas, les pouvoirs publics ont eu cette idée géniale de décider à 19 heures la fermeture à minuit de 8 villes quelques jours avant l’Aïd Al Adha. Le covid-19 ne pouvait trouver un terrain plus fertile pour se propager que dans le chaos qu’ont connu les routes au cours de cette soirée et les jours qui suivirent. Depuis, tout le monde connaît que rien n’a été fermé et que toutes les routes menaient aux villes interdites sans autorisation exceptionnelle.

Les déplacements des citoyens ont été des plus intenses aussi bien à l’aller qu’au retour avec chaque fois du covid-19 massif dissimulé dans les valises. Il ne faut donc pas s’étonner que l’on dénombre, aujourd’hui, plus de 2000 cas confirmés positifs et des dizaines de morts chaque jour.

Le gouvernement improvisé d’El Othmani où cohabitent des sensibilités politiques antinomiques allant du conservatisme (PJD), en passant par le libéralisme (RNI, UC, MP) et en fermant la marche avec le progressisme de l’USFP ne peut qu’avancer en rangs dispersés en fonçant droit dans le mur.