Après avoir provoqué un tollé général par un communiqué ambigu sur la rentrée scolaire, le ministre de l’Education nationale, Saïd Amzazi, a essayé de rectifier le tir en intervenant sur la chaîne Al Oula. Comme l’on s’y attendait, il n’a convaincu personne en s’empêtrant dans les déclarations d’hypothèses. Preuve que l’homme était dévoré par une cruelle incertitude qui a altéré l’intelligence collective de l’ensemble de son département. Autant dire qu’Amzazi navigue à vue avec l’avenir des élèves car au lieu de répondre aux multiples questions que se posent les parents d’élèves, il n’a fait que soulever de vagues points d’interrogation.
Un flou total qui a fait réagir les associations des parents d’élèves qui rejettent catégoriquement « la formulation ambiguë » de cette décision. Le président de la Fédération nationale des associations des parents d’élève au Maroc (FNAPEM), Noureddine Akkouri, est on ne peut plus formel. L’enseignement présentiel en pleine crise épidémique nécessite une offre scolaire solide et des infrastructures suffisantes qui font défaut aujourd’hui. Autant dire, ajoute le président de la FNAPEM, qu’il est impératif de : « reporter la rentrée scolaire et l’entamer seulement à distance en attendant que la feuille de route devienne plus claire pour définir un modèle d’enseignement qui préservera la santé des élèves et garantira l’égalité des chances ».
Le président de la Confédération nationale des associations des parents d’élèves au Maroc (CNAPEM), Saïd Kachani, ne cache pas qu’il a été pris de court par la décision du ministère et reste tout aussi sceptique: « L’attribution de la responsabilité du choix entre l’enseignement à distance ou présentiel aux parents est impraticable et porte atteinte au principe de l’égalité des chances. La solution est l’alternation entre l’enseignement présentiel et à distance pour l’ensemble des élèves pour ne ne pas mettre les parents devant ce dilemme ».
Ce qui gêne aux entournures, c’est que le ministre Amzazi ne s’est pas concerté avec les associations des parents d’élèves alors qu’il avait reçu, à maintes reprises, les représentants des écoles privées et une fois en présence du chef du gouvernement, Saâd Eddine El Othmani.
Curieusement le ministre a, lors de son intervention télévisée, esquivé une question sur la relation conflictuelle entre les parents d’élèves et les directeurs des écoles privées. Pourtant le problème du paiement des frais de scolarité pour un enseignement à distance demeure et va s’accentuer davantage avec la rentrée scolaire. Il fallait trouver une solution médiane comme le paiement de la moitié des frais scolaires pour l’enseignement distanciel.
Curieusement, aussi, mêmes les directeurs des écoles privées ne savent plus à quel saint se vouer avec autant de modèles d’enseignement combinés et autant d’incertitudes sur la suite des évènements. Moulay Hassan Nabighi, propriétaire d’une école privée, demeure dubitatif face à ce flou artistique : « Franchement, je n’arrive pas à concevoir comment je vais gérer cette situation face à autant d’ambiguïtés dans une situation épidémique aussi alarmante. Il est difficile d’imaginer qu’un professeur puisse, physiquement et intellectuellement, donner simultanément des cours en présentiel et en distanciel. Admettons même qu’il arrive à assumer cette tâche, il faut qu’il soit payé en conséquence. Or les écoles ont subi l’année dernière une telle saignée budgétaire qu’elles sont incapables de couvrir les frais normaux. Encore faut-il préciser que les responsables des écoles privées sont très anxieux quant à la probabilité de la contamination des élèves car il est question de responsabilité pénale et de fermeture des établissements. Autant dire qu’il est plus approprié de reporter la rentrée scolaire au début janvier 2021 à condition de continuer à indemniser les professeurs qui sont déclarés à la CNSS ».
C’est dire que le ministre de l’Éducation nationale a, avec la confusion qu’il manie avec brio, réussi la gageure de mettre toutes les composantes de l’enseignement contre les multiples scénarios qu’il a élaborés.