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La Russie et le Sahara : le choix du rééquilibrage stratégique

Par: Marco BARATTO

Par: Marco BARATTO *

Les récentes positions russes sur la question du Sahara marocain ne doivent pas être interprétées comme une rupture idéologique ou un revirement brutal. Elles relèvent plutôt d’une tradition diplomatique profondément russe : celle du déplacement progressif, du rééquilibrage silencieux et du refus des gestes théâtraux.

L’abstention de Moscou au Conseil de sécurité, souvent perçue en Occident comme une position attentiste, constitue en réalité un acte politique clair. Dans le langage diplomatique russe, s’abstenir, c’est souvent laisser faire — voire soutenir sans s’exposer. En l’occurrence, cette abstention s’inscrit en faux contre un allié historique, l’Algérie, sans toutefois rompre ouvertement avec elle.

Pour la Russie, l’Algérie fut un partenaire militaire central durant la Guerre froide. Mais ce partenariat est aujourd’hui politiquement contraignant. L’État algérien traverse une phase de fragilité structurelle, tandis que son soutien au « polisario », soutenu par un régime affaibli, s’enfonce dans une marginalisation diplomatique croissante.

Moscou observe, calcule et ajuste

Dans le même temps, la Russie poursuit une stratégie plus large de réinsertion dans le monde musulman. Son statut de membre observateur de l’Organisation de la Coopération Islamique depuis 2005 traduit une reconnaissance officielle de l’Islam comme religion historique et constitutive de la Fédération, notamment dans le Caucase et la région de la Volga. Cette dimension religieuse n’est pas périphérique : elle est centrale pour la stabilité interne russe.

Dans cette optique, Moscou a besoin de partenaires musulmans fiables, modérés et politiquement stables, capables d’offrir un équilibre face à la proximité géographique et stratégique avec l’Iran. Le Maroc répond précisément à ce profil.

Ce repositionnement n’est pas dirigé contre l’Occident, mais il échappe à ses grilles de lecture. Les diplomaties occidentales, souvent prisonnières de l’instant et de la communication, peinent à comprendre ces mouvements lents mais décisifs.

La Russie n’annonce pas ses choix : elle les laisse apparaître lorsque les rapports de force sont déjà modifiés. Sur le Sahara, ce tournant silencieux pourrait bien être l’un des signes les plus révélateurs du nouvel équilibre maghrébo-sahélien en gestation.

 * Marco Baratto, essayiste italien, auteur du livre « Le défi de l’Islam en Italie »

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