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Le Paradoxe « Salaire-Coût de la Vie » au Maroc : Le soutien direct et la réforme des retraites face aux « années de vaches maigres »

Par: Mohamed KHOUKHCHANI

Par: Mohamed KHOUKHCHANI

​Le Maroc traverse aujourd’hui un tournant socio-économique majeur. Le concept de « pouvoir d’achat » n’est plus un simple indicateur de tableau de bord, mais une bataille quotidienne pour les ménages. Le décalage brutal entre des salaires stagnants et une inflation galopante met l’État Social à l’épreuve : comment préserver la dignité des retraités et protéger les plus vulnérables alors que les prix ne connaissent plus de trêve ?

​I. Diagnostic : La fin de l’insouciance (Comparaison chiffrée).

​Pour mesurer l’ampleur du choc, il convient de mettre en miroir deux époques radicalement différentes :

1. ​Le cycle des « Vaches Grasses » (Avant 2020) :

● ​Inflation : Maîtrisée, elle oscillait entre 1,5% et 2%.
● ​Le panier de base : Le prix de la viande rouge tournait autour de 65 DH/kg, et le bidon d’huile de 5 litres ne dépassait pas 55 DH.
● ​Le climat : Des précipitations régulières garantissaient des légumes à prix « populaires » (tomates et pommes de terre autour de 3 DH/kg).
● ​Résultat : Un salaire de 4 000 DH offrait une sécurité relative pour une famille moyenne.

2. ​Le cycle des « Vaches Maigres » (2022 – 2025) :

● ​Inflation : Un pic historique à 6,6% en moyenne nationale, mais dépassant les 15% pour les seuls produits alimentaires.
● ​Le choc des prix : La viande a bondi à 100-110 DH/kg (+60%), et l’huile a franchi la barre des 90 DH.
● ​Sécheresse et importation : Six années consécutives de stress hydrique ont fait de la « tomate » un produit de luxe.
● ​Résultat : Le salaire réel a perdu environ 25% de sa valeur. Ce que l’on achetait avec 4 000 DH en 2019 nécessite aujourd’hui au moins 5 300 DH pour le même panier.

​II. La réforme des retraites : Un enjeu de survie.

​Les retraités sont les victimes silencieuses de cette transition. Alors que les frais de santé augmentent avec l’âge et que l’inflation érode l’épargne, les pensions restent désespérément fixes.
● ​L’érosion monétaire : Une pension de 3 000 DH n’a plus la même puissance d’achat qu’auparavant ; son pouvoir réel est tombé à environ 2 200 DH aux prix actuels du marché.
● ​La solution préconisée : La réforme ne peut se limiter à des ajustements comptables (âge ou cotisations). Elle doit inclure une clause d’indexation. Revaloriser périodiquement les pensions en fonction de l’inflation est le seul moyen d’empêcher cette catégorie de basculer dans la précarité. De plus, l’exonération de l’IR pour les petites retraites est une nécessité morale.

​III. Le Soutien Social Direct : Un bouclier face à la tempête ?

​Le programme de soutien social direct (minimum de 500 DH) est une réponse stratégique aux années de vaches maigres. Mais face aux chiffres :
● ​Le paradoxe de l’aide : Si l’aide apporte un soulagement indéniable, l’augmentation du coût de la vie depuis 2021 a déjà « consommé » ce montant pour beaucoup de familles.
● ​Le ciblage via le RSU : La force du système réside dans le Registre Social Unifié, mais sa pérennité exige une révision constante des seuils d’éligibilité. Le citoyen « non éligible » en période d’abondance est peut-être devenu « indigent » avec la crise. Le soutien doit être dynamique pour rester efficace.

​IV. Traitement de fond : Souveraineté et régulation.

​Pour éviter une aggravation de la situation, le Maroc doit transformer son modèle :
● ​Le dessalement de l’eau de mer : C’est le levier pour briser le lien fatal « Sécheresse = Cherté ». Garantir l’eau d’irrigation à prix stable, c’est garantir le prix du panier de la ménagère.
● ​La traque des spéculateurs : Il est inacceptable que le prix d’un produit triple entre la ferme et le consommateur à cause des intermédiaires. La régulation des circuits de distribution est une forme de « soutien indirect » au citoyen.
● ​La justice fiscale : Alléger la pression sur le revenu des salariés de la classe moyenne, essoufflés par l’endettement et les frais d’éducation privée.

​Conclusion:

​Les « années de vaches maigres » nous ont appris que les grands équilibres macro-économiques importent peu si le panier de la ménagère reste vide. Le succès de l’État Social dépendra de sa capacité à faire converger l’innovation technologique (dessalement, RSU) et la justice sociale (protection des salaires et des retraites). Le Maroc doit transformer cette crise en opportunité pour bâtir une nation résiliente, où la richesse est mieux partagée face aux vents contraires de l’inflation mondiale.

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