
Par: Mohamed KHOUKHCHANI

La « fuite des cerveaux » n’est pas seulement une perte économique pour le Maroc, c’est une perte de souveraineté stratégique. Lorsqu’un médecin, un ingénieur ou un chercheur part, c’est un investissement national qui profite à une autre économie.
Pour inverser cette tendance et transformer le Maroc en un aimant à talents, il ne suffit pas de faire appel au patriotisme. Il faut un véritable choc de confiance et des mesures concrètes qui rivalisent avec les standards internationaux.
Voici une feuille de route structurée autour des leviers d’action les plus pertinents pour le Royaume :
1. La Méritocratie comme pilier central.
Le salaire est important, mais le manque de reconnaissance et le « plafond de verre » sont souvent les déclencheurs du départ.
a. Instaurer une transparence radicale : Dans les nominations aux postes de responsabilité (hôpitaux, universités, entreprises publiques), la compétence doit primer sur le réseau. Les jeunes cadres doivent sentir que leur ascension ne dépend que de leur talent.
b. Valorisation du statut : Redonner ses lettres de noblesse au médecin, à l’enseignant et à l’ingénieur. Cela passe par une reconnaissance sociale et médiatique, pas seulement financière.
2. Un « Choc » sur les conditions de travail et salariales.
Le Maroc ne pourra peut-être pas s’aligner sur les salaires suisses ou américains, mais il peut offrir un « reste à vivre » et une qualité de vie très compétitifs.
a. Revalorisation ciblée : Augmenter significativement les salaires dans les secteurs en tension (santé, IT, recherche) pour réduire l’écart de pouvoir d’achat réel.
b. Avantages fiscaux : Proposer des abattements fiscaux temporaires (ex: 5 à 10 ans) pour les compétences critiques qui s’installent ou reviennent au Maroc.
c. Équipement de pointe : Un chirurgien ou un chercheur a besoin d’outils. Investir massivement dans les plateaux techniques des hôpitaux et les laboratoires universitaires est impératif pour qu’ils puissent exercer leur art correctement.
3. L’Écosystème de vie (Le « Soft Power » interne).
a. Un cadre ne migre pas seul ; il migre souvent avec une famille. Si l’environnement n’est pas propice à l’épanouissement de ses enfants, il partira.
b. Éducation et Santé : Garantir aux cadres que leurs enfants auront accès à une école d’excellence et que leur famille sera bien soignée au Maroc sans devoir se ruiner dans le secteur privé.
c. Villes intelligentes et cadre de vie : Améliorer les transports, la sécurité, les espaces verts et l’offre culturelle. Des villes comme Casablanca, Tanger ou Rabat doivent offrir une qualité de vie « internationale ».
4. Connecter la Diaspora au développement (Le « Brain Circulation »).
Plutôt que de voir le départ comme une trahison, il faut voir la diaspora comme une ressource. Le retour définitif n’est pas la seule option.
a. Statut spécial pour les MRE (Marocains Résidant à l’Étranger) : Créer des passerelles administratives ultra-rapides pour les investisseurs et experts de la diaspora (guichet unique digitalisé, zéro bureaucratie).
b. Partenariats Public-Privé-Diaspora : Encourager les chercheurs marocains de la NASA, du CNRS ou de la Silicon Valley à diriger des projets au Maroc à distance ou via des séjours courts, tout en gardant leurs postes à l’étranger. C’est le transfert de savoir qui compte.
5. Créer des « Projets Fédérateurs » (L’effet d’entraînement).
Pour séduire, il faut faire rêver. Le Maroc doit proposer des défis excitants.
a. Grands chantiers nationaux : Lier le retour des talents à des projets historiques : la généralisation de la couverture sociale, la fabrication de vaccins (SENS), l’industrie automobile/aéronautique, ou l’organisation de la Coupe du Monde 2030.
b. L’appel à « Bâtir l’Histoire » : Le message doit être : « En Europe, vous serez un employé parmi d’autres. Au Maroc, vous serez un bâtisseur de la nation de demain. »
6. Vision souhaitée : Attractivité.
a. Garantir l’évolution de la carrière grâce à des parcours clairs et la méritocratie.
b. Encourager la recherche grâce à des fonds dédiés (R&D) et à des liens forts entre l’université et l’entreprise.
c. Opter pour la digitalisation totale et le « Fast-track » pour les talents.
d. Assurer un cadre de vie riche en offres culturelles, en loisirs et doté de services publics fiables.
Conclusion :
La solution n’est pas d’empêcher les gens de partir (ce qui est impossible), mais de leur donner l’envie irrépressible de revenir ou de rester. Le Maroc a les atouts naturels et la stabilité politique pour cela. Il lui manque ce déclic de confiance institutionnelle qui transformera le « Rêve Marocain » en une réalité tangible pour ses élites.





