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Quand un Pape gagne la confiance de l’Islam : la leçon spirituelle d’un geste authentique

Par: Marco BARATTO

Par: Marco BARATTO

Dans un monde habitué aux symboles superficiels et aux gestes diplomatiques exécutés pour les caméras, il est rare qu’un événement religieux, interconfessionnel et profond devienne un phare de sincérité et de fraternité humaine. L’attitude du Pape Leone XIV — aussi paradoxale qu’elle puisse paraître aux yeux occidentaux — a pourtant représenté exactement cela : une preuve de droiture religieuse, d’authenticité spirituelle et de respect envers le monde musulman.

 

 

Ceux qui connaissent l’Islam — non pas à travers les clichés médiatiques, mais par l’étude sérieuse et le vécu du dialogue interreligieux — comprennent aisément la clé de cet événement. Dans l’univers musulman, l’authenticité de la foi d’un individu dépasse de loin sa fonction ou son titre. Un homme qui démontre sa fidélité intérieure, sa conviction sincère envers Dieu, gagne naturellement respect, confiance et légitimité dans les yeux des croyants musulmans. À l’inverse, celui qui se borne à des gestes extérieurs sans profondeur de croyance reste un acteur creux, observé mais non honoré.

C’est précisément là que le Pape Leone XIV, selon cette logique spirituelle, a franchi un seuil que beaucoup de ses prédécesseurs n’avaient jamais réussi à atteindre. Il ne s’est pas présenté comme autorité religieuse convoquant un dialogue à sens unique ; il s’est présenté comme croyant parmi des croyants, comme frère parmi des frères.

Il ne s’est pas prêté à des prières orchestrées pour les médias, ni à des discours calibrés pour plaire politiquement. Il a refusé tout acte qui aurait pu être interprété, du point de vue musulman, comme une intrusion dans le domaine sacré de l’autre. Il n’a pas cherché à imposer la présence de la chrétienté dans un espace islamique : il s’est laissé accueillir. Voilà un geste clé. Il ne s’est pas comporté comme représentant d’une institution en quête d’influence, mais comme un homme de foi en visite dans la maison spirituelle de ses semblables.

Ce comportement d’humilité — difficile parfois à interpréter pour un esprit laïque occidental habitué aux protocoles hiérarchiques — est précisément ce qui a ouvert la porte à l’estime du monde musulman. En Islam, l’humilité sincère est le sceau des grands croyants. Et aujourd’hui, le Papa Leone XIV, par son attitude, s’est attiré cette reconnaissance profonde.

Cela nous renvoie à une histoire plus ancienne, mais tout aussi parlante : la relation entre le Maroc musulman et le Saint-Siège. L’épisode remarquable de 1888 est un témoignage historique précieux. Cette année-là, la chrétienté catholique célébrait le jubilé sacerdotal du Papa Leone XIII, cinquante ans de vie sacerdotale. Malgré la fréquence des tensions entre mondes islamiques et chrétiens à cette époque, un geste d’une portée symbolique immense fut posé par le Maroc : l’envoi d’une délégation officielle à Rome.

Sous le règne du sultan Moulay Hassan I, le Maroc fut alors la seule nation musulmane et africaine à se manifester de manière officielle lors de cette célébration. Ce n’était pas un geste diplomatique ordinaire — c’était une initiative volontaire de respect interconfessionnel. L’ambassade envoyée depuis la cour marocaine portait des cadeaux et des bénédictions, mais aussi un message implicite : il existe une passerelle possible entre nos mondes, lorsque la foi n’est pas instrumentalisée mais habitée.

Par ce geste, le Maroc montrait qu’un dialogue vrai peut exister même entre traditions religieuses différentes, à condition qu’il soit porté par la reconnaissance mutuelle de la sincérité. Moulay Hassan I n’envoya pas une délégation pour un calcul politique, mais pour honorer un homme de religion, un chef chrétien respecté.

Aujourd’hui, alors que le Pape Leone XIV s’inscrit dans une démarche similaire de respect profond, l’espoir d’un voyage pontifical au Maroc devient plus qu’une hypothèse : il apparaît comme un prolongement naturel de ce mouvement spirituel. Une visite dans cette nation historiquement ouverte au dialogue, fière de son hospitalité et de sa tolérance religieuse, permettrait au Pape de montrer concrètement, sur une terre musulmane amie depuis des siècles, son intention de bâtir une fraternité durable et sincère. Il pourrait y renouer avec cette mémoire diplomatique et spirituelle qui unit le Royaume du Maroc au Saint-Siège depuis le XIXᵉ siècle, et manifester personnellement son respect et son amitié envers les croyants musulmans.

Si cette visite devait se produire, elle serait l’occasion de rappeler publiquement que les liens entre la chrétienté romaine et l’islam maghrébin ne sont pas faits que de confrontations et malentendus, mais aussi de respect et d’échanges sincères. Elle rendrait hommage à un sultan qui, il y a plus de 130 ans, avait vu dans l’autre un croyant avant de voir un étranger, et elle offrirait au monde une image forte : celle de la paix religieuse vécue et non proclamée.

Dans un monde contemporain fracturé par les identités religieuses et les tensions confessionnelles, ce geste du Pape Leone XIV est bien plus qu’un acte personnel de foi. C’est un signal. Une orientation. Un enseignement silencieux mais puissant. Il nous rappelle qu’au-delà des doctrines et des rituels, c’est la vérité intérieure de la foi, visible dans l’attitude et le comportement, qui construit des ponts là où la politique échoue.

Et si l’avenir du dialogue interreligieux se jouait précisément dans cette simplicité ? Dans cette sincérité ? Dans cette capacité de reconnaître en l’autre un serviteur de Dieu avant de le désigner par son étiquette confessionnelle ?

Le Pape Leone XIV, par son exemple — et peut-être bientôt sur le sol marocain — nous invite à réfléchir sérieusement à cette possibilité. Son exemple nous invite à réfléchir sérieusement à cette possibilité.

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