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Italie – Algérie: Un pacte avec le diable

Par: Marco BARATTO

Par: Marco BARATTO ★

Il a fallu Jacob Zuma, ancien président de l’Afrique du Sud, pour nous rappeler qu’en politique étrangère, il faut du courage. Depuis le Ghana, lors d’une conférence à Accra, Zuma a salué le soutien de ce pays au plan d’autonomie du Maroc sur le Sahara. Pas une déclaration de circonstance, mais un acte politique lourd : se ranger clairement du côté de Rabat, avec une vision nette de stabilité et d’unité africaines. Et nous, en Italie ? Silence. Mutisme. Enchaînés à un vieux scénario où l’Algérie demeure intouchable et le Maroc traité comme un simple figurant.

L’hypocrisie italienne

À Rome, tout le monde se targue de défendre “l’intérêt national” et la “souveraineté énergétique”. Mais lorsqu’il s’agit de l’Algérie, l’hypocrisie règne. Personne, ni à droite ni à gauche, n’ose dire qu’il est presque impossible d’être chrétien en Algérie, que la Caritas a été contrainte de fermer ses portes par ordre du gouvernement. Personne ne dénonce les camps de Tindouf, où des milliers de réfugiés survivent dans des conditions indignes. Pourtant, lorsqu’il s’agit de droits humains ailleurs, tout le monde en Italie se transforme en chevalier blanc. Deux poids, deux mesures : avec l’Algérie, le silence est acheté à coups de barils de gaz.

La prison du gaz algérien

Nous sommes tellement dépendants d’Alger que nous n’arrivons même plus à imaginer des alternatives. Et pourtant, elles existent. Le gazoduc Nigeria-Maroc, qui atteindra l’Espagne, ouvrira une nouvelle voie. Les États-Unis exportent déjà du GNL vers l’Europe. L’Arabie saoudite produit plus de 100 milliards de mètres cubes par an et détient environ 4 % des réserves mondiales. Nous ne sommes prisonniers de personne, sauf de notre propre lâcheté. Dire que sans l’Algérie nous grelotterions est un mensonge pratique, une excuse pour ne pas remettre en cause un statu quo qui n’arrange que ceux qui en tirent profit. Le mythe de l’amitié historique On nous répète à l’envi que “l’Italie a soutenu l’indépendance algérienne, nous devons être reconnaissants”. Très bien, nous l’avons été. Mais un lien né il y a soixante ans ne peut devenir une chaîne éternelle qui nous oblige à fermer les yeux sur tout. L’amitié ne veut pas dire silence, ni acceptation aveugle. Au contraire, un pays sérieux devrait avoir le courage de dire : ça suffit. Assez d’ambiguïté. Assez de chantage énergétique. Assez de ce statut d’intouchable accordé à l’Algérie.

Pourquoi le Maroc compte

Pendant que nous nous prosternons devant Alger, nous oublions que le Maroc est un partenaire stratégique. Non seulement parce qu’il constitue une passerelle naturelle entre l’Afrique et l’Europe, mais aussi parce qu’il a démontré une vision claire de développement : infrastructures, innovation, ouverture aux investissements. Reconnaître son intégrité territoriale signifierait renforcer un pays qui mise sur la stabilité, qui ne brandit pas ses ressources comme une arme politique et qui offre à l’Italie de réelles opportunités économiques. En d’autres termes, ce serait se placer du bon côté.

Le paradoxe des droits humains

Il y a un autre aspect qui crie vengeance. En Italie, chaque parti se présente en défenseur des droits humains. Chaque leader invoque la liberté et la démocratie. Mais face à l’Algérie, rideau. Personne n’ose dénoncer la répression des chrétiens, personne ne parle des camps de Tindouf, personne ne met en cause un régime qui restreint des libertés fondamentales. C’est un paradoxe insoutenable : nous prétendons donner des leçons de démocratie au monde, mais nous nous inclinons devant ceux qui la piétinent.

Rompre le tabou

Le Maroc n’est pas parfait, nul ne l’est. Mais il propose au moins une vision claire, un plan concret pour le Sahara, un chemin qui reçoit déjà le soutien de pays africains majeurs. Zuma et le Ghana l’ont affirmé sans hésiter : l’unité et la stabilité priment. Pourquoi, en Italie, personne n’a le courage d’en faire autant ? Pourquoi restons-nous prisonniers d’un tabou ? La vérité, c’est que la politique italienne a peur de perdre le gaz algérien. Mais la peur n’est pas une stratégie. C’est une condamnation.

Une Méditerranée à réécrire

La Méditerranée ne peut pas rester otage d’équilibres anciens ni de régimes qui utilisent l’énergie comme moyen de chantage. L’Italie doit choisir si elle veut être actrice ou spectatrice. Continuer de s’incliner devant Alger, c’est rester spectatrice, dépendante et manipulable. Regarder vers le Maroc, au contraire, c’est miser sur la stabilité, le développement et une coopération authentique. C’est se doter d’une politique étrangère autonome, non dictée par la peur de manquer de gaz.

Conclusion : le courage qui manque Zuma a déclaré : « Les jours où l’Afrique dansait au son des tambours étrangers sont révolus ». L’Italie, elle, continue de danser au rythme du gaz algérien. Il est temps d’arrêter. Il est temps d’avoir le courage de briser le tabou. Il est temps de dire clairement que le Maroc est un partenaire stratégique et que l’ère des courbettes devant Alger doit prendre fin. Il ne s’agit pas seulement de géopolitique, mais de dignité. Et la dignité, en politique étrangère, n’a pas de prix.

★Marco Baratto, politologue italien, auteur du livre « Le défi de l’Islam en Italie »

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