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Le Sahara marocain expliqué aux nuls et aux autres

Par: Lahcen HADDAD

Dans un article paru sur le site d’information espagnol « Mares30 », sous le titre « Ni invasion ni conspiration », Lahcen Haddad, ex-ministre et expert en géopolitique, démonte l’échafaudage des fausses histoires et des idées erronées colportées à l’autre bout des frontières est et nord du Royaume. Voici la traduction in extenso de son article.

Par: Lahcen HADDAD*

La Marche verte n’était pas « une guerre hybride », mais un acte symbolique ; et le Maroc, loin d’exercer une pression, est un partenaire stratégique avec une histoire avec le Sahara remontant à plusieurs siècles.

Dans le débat sur le Sahara occidental, on répète des récits qui confondent les faits, omettent des informations essentielles et finissent par construire des récits simplistes : celui de l’« invasion » de 1975 et celui de la « pression hybride » actuelle. Tous deux déforment l’histoire et obscurcissent les relations entre deux pays qui, loin d’être ennemis, ont démontré qu’ils pouvaient être des partenaires stratégiques.

1. Le contexte historique oublié

Le Sahara occidental n’était pas un territoire « orphelin » avant 1975. Des traités et des documents diplomatiques des XVIIIe et XIXe siècles reconnaissaient son appartenance à la zone de souveraineté marocaine avant la colonisation. Le traité de Tétouan (1860) autorisa l’Espagne à s’établir sur la côte saharienne sans que le Maroc renonce à sa souveraineté. En 1906, la Conférence d’Algésiras répartit les zones d’influence, accordant le Sahara à l’Espagne, tandis que Tanger restait sous domination internationale.

La colonisation espagnole a commencé en 1888, mais Smara, par exemple, n’est tombée sous contrôle espagnol effectif qu’en 1936. Le Sahara n’a pas commencé en 1975, et son histoire ne se limite pas à la Marche verte.

2. Un processus de décolonisation progressif

La décolonisation du Sahara débute en 1956 avec l’indépendance du Maroc :
• 1958 : Tarfaya revient au Maroc.
• 1969 : L’Espagne restitue Sidi Ifni.
• 1974 : L’Espagne porte l’affaire devant la Cour internationale de justice (CIJ).
• 1975 : Une mission et un avis consultatif de l’ONU reconnaissent les liens juridiques et de loyauté avec le Maroc.

Loin de la guerre, Rabat a proposé une solution pacifique : la Marche verte.

 

3. La Marche verte : une mobilisation symbolique, pas une occupation armée

Réduire la Marche verte à une « invasion » revient à ignorer ses implications. L’opération militaire marocaine a été menée à l’est du pays pour empêcher que le vide laissé par l’Espagne ne soit comblé par le « Polisario », soutenu par l’Algérie et la Libye.

La Marche verte, quant à elle, a mobilisé 350 000 civils non armés qui ont avancé de quelques mètres dans la zone de Tah, avant d’être reconduits. Il s’agissait d’un acte de reconquête pacifique de la souveraineté, et non d’une prise de pouvoir militaire.

4. Mythes installés dans le débat

L’« exode massif » vers Tindouf

En 1975, le territoire comptait environ 300 000 habitants ; la plupart y sont restés. Ceux qui sont arrivés à Tindouf étaient principalement des branches orientales des groupes rguibat, touareg et sahéliens, certains déplacés de force par le « Polisario » avec le soutien de l’Algérie. Aujourd’hui, plus de 600 000 personnes vivent dans le Sahara, alors qu’il n’existe aucun recensement fiable à Tindouf.

La « trahison » du référendum

Le recensement de 1974, base du référendum, était incomplet et contesté. Il n’incluait pas les tribus entières ni les nomades déplacés par les opérations militaires franco-espagnoles de 1958. Les principales figures tribales reconnaissaient historiquement l’autorité du sultan du Maroc.

 

La prétendue « guerre hybride » migratoire

La théorie selon laquelle le Maroc « envoie » des migrants comme moyen de pression est infondée. Le Maroc investit plus de 500 millions de dollars par an pour freiner l’immigration irrégulière et a empêché plus de 75 000 départs illégaux en 2023. L’immigration légale de la main-d’œuvre vers l’Espagne répond à la demande de main-d’œuvre espagnole, et non aux manœuvres de Rabat.

5. Ceuta et Melilla : de la fiction à la géopolitique

Le spectre d’une « nouvelle Marche verte » contre Ceuta et Melilla relève davantage de l’alarmisme que d’une analyse sérieuse. La défense des deux villes repose sur la coopération, et non sur la confrontation.

L’Espagne et le Maroc collaborent déjà dans les domaines suivants :
• Commerce : le Maroc est le principal partenaire commercial de l’Espagne en dehors de l’UE, avec plus de 1 200 entreprises espagnoles présentes dans le pays.
• Énergie : interconnexions électriques et gazières activées en cas d’urgence.
• Sécurité : des opérations conjointes ont permis de démanteler 91 cellules terroristes depuis 2015.
• Solidarité : assistance mutuelle en cas de catastrophes naturelles.

6. Le soft power : un outil légitime

Le Maroc est accusé d’utiliser sa diaspora, ses ONG et ses centres culturels comme moyen de « pression ». Or, c’est le même soft power que l’Espagne exerce au Maroc avec ses centres culturels, ses programmes universitaires et sa propre communauté résidente. Il s’agit de diplomatie et d’échange, et non de coercition.

Conclusion : faits contre fictions

Le Sahara occidental ne peut être compris à travers des récits alarmistes ou des points de vue sélectifs. Des siècles d’histoire, des liens juridiques et des processus diplomatiques soutiennent la position du Maroc. Le Maroc et l’Espagne ne sont pas condamnés à la confrontation : ils partagent des frontières, des défis et des opportunités.

L’année 1975 devrait servir de leçon pour renforcer la coopération, et non pour alimenter les craintes. Des relations bilatérales solides et fondées sur des faits constituent le meilleur gage de stabilité entre les deux rives du détroit.

*Ex-ministre et expert en géopolitique 

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