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Festival Mawazine: La chanson marocaine est-elle passée à la trappe?

Par: Abdelhadi Briouig

Bien que le Festival Mawazine – Rythmes du Monde soit considéré comme l’un des plus grands événements artistiques au Maroc et en Afrique, et même parmi les plus grands au monde en termes de taille, de public et de budget, il est largement critiqué depuis des années en raison de ce que de nombreux passionnés de culture et d’art considèrent comme une « marginalisation systématique » de la musique marocaine authentique, la remplaçant par des performances artistiques qualifiées de « superficielles » et « vulgaires », faisant fi de la spécificité culturelle et du goût du public.

La chanson marocaine, par sa diversité et sa richesse, a toujours été un pilier fondamental de l’identité nationale et une source de fierté pour la culture marocaine, qu’elle soit andalouse, populaire, hassani ou moderne. Cependant, on constate aujourd’hui un net déclin de la présence de ces formes d’art sophistiquées sur les scènes du Festival Mawazine, contrastant avec l’essor d’artistes qui misent avant tout sur le spectacle, l’excitation et le tapage, sans véritable contenu artistique.

Alors que le Festival Mawazine est censé être une vitrine culturelle reflétant la richesse et la diversité du patrimoine marocain, nous constatons que les artistes marocains, notamment ceux qui ont la responsabilité de préserver ce patrimoine, sont relégués en marge de la programmation, voire totalement exclus. Ils sont souvent relégués à des événements annexes ou des espaces secondaires, indignes de la valeur de leur offre et ne leur garantissent pas la reconnaissance qu’ils méritent.

Ces pratiques ouvrent la voie à des questions légitimes : le festival a-t-il perdu sa dimension artistique et culturelle ? Soumet-il désormais ses sélections à la logique du marché et de la popularité, sans se soucier de la valeur artistique ni du message culturel qu’il est censé véhiculer ?

Nul ne nie l’importance de l’ouverture aux musiques du monde, ni l’accueil de stars internationales qui contribuent à attirer le public et à stimuler le tourisme et l’économie. Cependant, cela ne peut se faire au détriment de l’identité culturelle nationale, ni au détriment des artistes marocains qui ont consacré leur vie à servir la musique marocaine avec sincérité et professionnalisme.

L’absence de chansons marocaines authentiques dans un grand festival comme Mawazine peut être considérée non seulement comme un choix artistique, mais aussi comme une position culturelle qui reflète une vision étroite du patrimoine et exprime une crise plus profonde dans notre perception du rôle de l’art dans la construction d’une conscience collective et la préservation de la mémoire.

Il est devenu impératif de repenser la programmation du festival et de considérer le rôle éclairant de l’art, et non plus seulement sa fonction de divertissement. De plus, rendre justice aux artistes marocains authentiques doit être une priorité, et non un simple ajout cosmétique à une programmation déjà conçue pour satisfaire un sentiment consumériste.

La musique marocaine n’a pas besoin de charité, mais plutôt de quelqu’un qui y croit. Un festival de l’envergure de Mawazine se doit, plus que jamais, d’être une plateforme de mise en lumière de cet art sublime, et non un lieu de deuil.

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