« Si le Roi du Maroc n’est pas convaincu par certaines pratiques politiques, s’il ne fait pas confiance à nombre de politiciens, que reste-il, donc, au peuple? », s’interrogeait Mohammed VI, sur un ton particulièrement dur, ce mémorable samedi 29 juillet 2017, un jour avant la commémoration de la Fête du Trône.
Jamais le fossé entre classe politique et peuple n’aura été si grand, comme il l’a été ces dernières années. Les « secousses » sociales enregistrées entre autres à Al Hoceima, Jérada ou encore à Zagora, étaient au fond le fait de l’irresponsabilité des responsables politiques, « absorbés par l’organisation de leurs congrès nationaux et leurs comités exécutifs ».
Pour le reste, c’est-à-dire l’essentiel pour lequel lesdits partis ont été créés: l’encadrement des citoyens, le nécessaire travail de terrain, la capacité d’écoute et l’engagement à traduire dans les faits ses revendications sociales, politiques, culturelles… Repassez pour 2021!!
Or, nous sommes à la veille de 2021, année de toutes les élections (communales, régionales, législatives, etc).
Le ministre de l’Intérieur Abdelouafi Laftit en a d’ailleurs annoncé la couleur, hier mercredi 8 juillet, lors d’une première réunion avec les chefs des partis représentés au parlement.
Lors de cette rencontre, qui marque le début effectif du chantier de concertations portant sur les élections, engagement a été pris par le ministre de tutelle pour « réussir l’ensemble des étapes du processus électoral »?
La nécessaire restauration de la confiance des citoyens dans la parole publique
Or, la réussite souhaitable de ces nouvelles échéances électorales est fonction, aussi et surtout, de la restauration de la confiance des citoyens dans les partis politiques. Si nous sommes intimement convaincus de la nécessité pour le peuple d’aller voter, ce n’est toutefois pas « l’avis » de nombre de citoyens aujourd’hui plus que jamais désaffectés à l’égard de la « chose » politique.
Parlons clair, parlons vrai: la restauration de la confiance dans la parole publique n’est pas une question de slogans, ni de tracts électoraux, encore moins de promesses souvent creuses faites par des « barons » de partis souffrant d’un déficit patent de crédibilité aux yeux mêmes de leurs militants, à plus forte raison les autres citoyens, souvent du fait de leur nombrilisme, de l’absence de réelle démocratie interne, du nécessaire rajeunissement des structures dirigeantes…
Il est regrettable de constater que le parti le plus mobilisateur demeure le Parti Justice et développement (PJD), au pouvoir depuis 2011. Regrettable, car l’élan mobilisateur de ce parti fort d’une large base électorale, implique par ricochet un affaiblissement du multipartisme, socle de la démocratie et du pluralisme dont les bases ont pourtant été jetées à l’aube de l’Indépendance et qui a été solidement consolidé dans la Constitution de 2011.
Il est aussi regrettable de constater que le mode de scrutin actuel n’encourage pas le pluralisme.
“Majorité arithmétique électorale” et “minorité sociale”
Lors des dernières élections législatives de 2016, le PJD a obtenu 125 sièges sur 395. Ses 125 députés se sont retrouvés face à un « conglomérat » de 270 députés représentant divers courants politiques: conservateurs, libéraux, centristes, modernistes, socialistes, démocrates, verts, etc.
Sur les 15 700 000 d’électeurs marocains inscrits, moins de la moitié se sont déplacés pour voter en 2016.
Le taux de participation a été de 42,29%.
Sur près de 6 639 530 voix exprimées, le PJD en a obtenu juste 1 618 963 voix. Cela a représenté 27,88%. L’abstention a joué en sa faveur en raison de son “bloc électoral” mobilisé et discipliné.
Mais ainsi sont les règles du jeu électoral démocratique: arithmétiquement, le PJD est le premier. Mais, il n’est pas majoritaire sur le plan social, qui a d’ailleurs été son principal défaut de cuirasse durant sa double mandature à la tête de l’Exécutif.
Ne nous y trompons pas: le PJD n’en garde pas moins des atouts majeurs. La crainte est plus grande que ce parti ne profite encore une fois de cette abstention, du maintien du même mode de scrutin, et de l’absence de manoeuvre chez certains partis englués dans des problèmes internes interminables, pour remporter encore une fois la timbale et asseoir sa mainmise sur la vie politique nationale.