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Il y a 40 ans, Jean-Paul II prononçait un discours historique à Casablanca (Par: Marco Baratto)

Par: Marco Baratto✭

Le 19 août 1985, un moment historique se déroulait au stade Mohammed V de Casablanca. Le pape Jean-Paul II s’adressait à quelque 80 000 jeunes musulmans, dans un discours inédit prononcé sur une terre majoritairement islamique.  Cet événement, aussi inattendu qu’inspirant, marqua une étape essentielle dans le rapprochement entre chrétiens et musulmans, jetant les bases d’un dialogue respectueux, sincère et tourné vers la paix.

Une rencontre inédite

À cette époque, la visite d’un pape dans un pays musulman était exceptionnelle. Jean-Paul II, en acceptant l’invitation du roi Hassan II, réalisait un geste fort et symbolique. Cette initiative visait à affirmer que les relations entre chrétiens et musulmans pouvaient s’ouvrir à une nouvelle ère, faite d’écoute, de compréhension et de respect mutuel. Le monde des années 1980 était encore marqué par des tensions idéologiques et des conflits identitaires. La méfiance entre les religions monothéistes restait vive, alimentée par des siècles d’incompréhensions.

 

 

Le choix du Maroc pour cette rencontre avec la jeunesse musulmane représentait donc une rupture avec le passé, un acte audacieux pour un avenir basé sur la fraternité. Un discours tourné vers l’unité Devant cette foule nombreuse, le pape n’est pas venu pour prêcher ou convertir. Il est venu parler en homme de foi, en frère, s’adressant à d’autres croyants avec respect et franchise. D’emblée, il a souligné un point fondamental : chrétiens et musulmans croient en un Dieu unique, tout-puissant et miséricordieux. Il a mis en lumière les valeurs partagées par les deux religions : la prière, la charité, le jeûne, le pardon, l’humilité devant Dieu.

 

 

Mais Jean-Paul II n’a pas tenté d’effacer les différences. Il les a reconnues ouvertement, tout en appelant à un dialogue vrai, fondé sur l’acceptation et le respect. Pour lui, les différences religieuses ne devaient pas être source de conflit, mais une richesse à explorer ensemble.

La jeunesse, espoir du monde

Jean-Paul II s’est particulièrement adressé aux jeunes, les appelant à jouer un rôle clé dans la construction d’un monde plus fraternel. Il a reconnu leur soif de vérité, de justice, de paix. Il a mis en garde contre les idéologies qui peuvent séduire mais qui souvent vident l’âme. Il les a invités à puiser dans leur foi une force intérieure capable de transformer la société. Il a souligné que les jeunes, qu’ils soient musulmans ou chrétiens, sont porteurs d’un avenir meilleur. En eux se trouve une capacité de renouveau, une énergie spirituelle précieuse. Il les a appelés à ne pas céder à la peur de l’autre, mais à rechercher la connaissance, à dialoguer, à travailler ensemble pour construire une société plus juste et plus humaine.

Une vision de la paix

Le message du pape allait au-delà du simple dialogue religieux. Il s’agissait d’un appel à la paix entre les peuples, à la réconciliation entre les cultures, à l’amitié entre les hommes. Dans son discours, il insistait sur le fait que la religion ne devait jamais être instrumentalisée pour justifier la haine, le rejet ou la violence. Au contraire, elle devait être un levier de fraternité. Le pape a affirmé que la foi authentique, vécue dans la vérité et l’humilité, peut rapprocher les hommes. Elle peut les aider à dépasser les préjugés, à ouvrir leurs cœurs, à bâtir des ponts là où des murs ont été dressés.

Une réception marquante

Les jeunes marocains présents ce jour-là ont accueilli les paroles du pape avec émotion et respect. Pour beaucoup, c’était la première fois qu’un responsable chrétien s’adressait à eux de façon directe, franche et respectueuse. Ils ont perçu en lui non un chef étranger, mais un homme de Dieu venu dialoguer, écouter et encourager. Le monde entier a été frappé par la portée de cet événement. Il révélait qu’un autre rapport entre religions était possible, un rapport basé sur la reconnaissance mutuelle et la coopération. Ce discours a marqué les esprits, car il proposait une autre manière de vivre les différences : non pas en opposition, mais en dialogue et en solidarité.

Une inspiration pour l’avenir

Quarante ans plus tard, le discours de Jean-Paul II à Casablanca reste un repère. Dans un monde toujours confronté à la montée des tensions religieuses et identitaires, il résonne comme un appel à l’apaisement, à la compréhension mutuelle, et à la fraternité universelle. Il rappelle que la foi ne doit jamais être source de division, mais de rapprochement. Le message du pape a semé des graines qui ont continué à germer. D’autres rencontres interreligieuses ont suivi, dans le même esprit. Des leaders spirituels, des communautés entières, se sont inspirés de ce moment pour poursuivre l’effort du dialogue. Le chemin reste long, mais le témoignage de Casablanca continue d’éclairer la route.

Un héritage vivant

Ce discours n’est pas un souvenir figé dans le passé. Il est un appel toujours actuel. Il invite chacun, croyant ou non, à ne pas craindre la différence, mais à s’y intéresser, à l’accueillir, à la comprendre. Il nous dit que la paix est possible, si l’on ose écouter l’autre, si l’on choisit le respect plutôt que le rejet, le dialogue plutôt que le conflit. Le 19 août 1985, un pape a parlé à des jeunes musulmans comme à ses frères. Quarante ans plus tard, ce geste conserve une portée immense. Il montre que les religions, loin d’être enfermées dans leurs dogmes, peuvent s’ouvrir, se tendre la main, se rencontrer dans la vérité et l’amour Marco Baratto

✭Expert italien en Dialogue interreligieux, Auteur du livre « Le Défi de l’Islam en Italie »

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