Le silence de l’Occident sur la «démocratie» algérienne: Quand le gaz pèse sur le jugement des nations (Par: Marco Baratto, essayiste et analyste politique italien)

Par: Marco Baratto*

 

Les élections présidentielles en Algérie, qui se sont conclues par la victoire prévisible d’Abdelmadjid Tebboune, ont mis en lumière divers problèmes systémiques qui affectent le pays, à commencer par le taux de participation qui est tombé en dessous de 50 %. Ces données ne sont pas simplement le signe d’une désillusion politique, mais l’indicateur d’une crise profonde impliquant les droits de l’homme, l’absence de représentation autonome de la région Kabylie et le rôle prédominant de l’armée dans le contrôle du processus électoral. Mais ce qui est encore plus déconcertant est le silence apparent de l’Occident face à ces questions, surtout si on le compare à la façon dont la situation politique est traitée dans d’autres pays, comme la Russie et la Hongrie.

Le taux de participation électorale inférieur à 50 % reflète le mécontentement populaire. Les élections, bien que formellement « démocratiques », ont connu une participation minime, signe qu’une grande partie de la population ne croit plus à la possibilité d’un véritable changement par les urnes. Ce phénomène n’est pas nouveau : le manque de confiance dans les institutions et la perception que les élections sont déjà décidées a priori ont conduit de nombreux Algériens à déserter les sièges, considérant le vote comme une simple formalité sans réel impact. Abdelmadjid Tebboune, figure étroitement liée au régime précédent, a été élu président dans un contexte de marginalisation de l’opposition et de répression féroce des manifestations du mouvement Hirak, qui appelait à des réformes profondes et à une véritable démocratisation du pays.

Le déni d’autonomie à la Kabylie n’est pas seulement une question de politique interne, mais reflète un problème plus large de déni des droits des minorités. Le déni de l’identité culturelle et linguistique des Berbères et l’incapacité du gouvernement à reconnaître et à respecter la diversité ethnique du pays sont les signes d’un régime qui ne peut ou ne veut pas adopter des politiques inclusives. L’absence de débat sérieux sur ces questions au sein de la communauté internationale est inquiétante, surtout si l’on considère que les droits des minorités et l’autonomie régionale sont des questions centrales dans le discours mondial sur les droits de l’homme.

L’armée algérienne a historiquement joué un rôle dominant dans la politique du pays. Les élections sont souvent influencées, voire contrôlées, par les chefs militaires. Ce pouvoir informel de l’armée représente l’un des principaux obstacles à la démocratisation de l’Algérie. Même lors des dernières élections, le rôle de l’armée était évident : la sélection des candidats, la gestion des manifestations et la répression de l’opposition sont autant d’agissements dans lesquelles l’appareil militaire a joué un rôle décisif.

L’influence de l’armée dans les élections algériennes n’est pas nouvelle, mais elle est symptomatique d’un système dans lequel la transition vers une véritable démocratie est bloquée. La séparation des pouvoirs, l’un des piliers de la démocratie, est quasiment inexistante en Algérie, et le pouvoir militaire agit comme une ombre omniprésente sur le processus politique. Les élections deviennent ainsi un exercice de légitimation du régime plutôt qu’une véritable expression de la volonté populaire.

Ce qui est le plus surprenant, c’est le silence de l’Occident face à cette situation. Alors que des pays comme la Russie et la Hongrie ont souvent été qualifiés de «démocraties» en raison de leur mélange d’autoritarisme et de démocratie apparente, la situation en Algérie ne semble pas recevoir la même attention. Ce silence peut s’expliquer par un certain nombre de facteurs, notamment les intérêts géopolitiques et économiques de l’Occident dans la région. L’Algérie, avec ses ressources énergétiques et sa situation stratégique en Méditerranée, est un partenaire important pour de nombreux pays occidentaux, qui pourraient craindre de compromettre leurs relations en critiquant ouvertement le régime.

Cependant, cette absence de critique risque de miner la crédibilité de l’Occident en tant que défenseur des droits de l’homme et des principes démocratiques. Si les violations des droits de l’homme et l’absence de démocratie sont condamnées dans certains pays, mais ignorées dans d’autres pour des raisons de commodité, le message envoyé est celui d’un double standard. La communauté internationale, et en particulier l’Occident, doit être cohérente dans ses positions et ne pas permettre aux intérêts économiques de prévaloir sur les principes fondamentaux.

Les élections présidentielles en Algérie ont mis en lumière une série de problèmes structurels qui touchent le pays: la désillusion populaire exprimée par la faible participation électorale, le déni d’autonomie à la Kabylie, le rôle prépondérant de l’armée dans le processus politique et l’opposition occidentale. le silence face aux violations des droits de l’homme. Il est nécessaire que la communauté internationale, et en particulier l’Occident, soit plus attentive à la situation en Algérie et agisse de manière conforme aux principes démocratiques qu’elle prétend défendre. Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons espérer un avenir dans lequel les droits de tous les Algériens seront respectés et dans lequel les élections représenteront véritablement la volonté du peuple.

*Essayiste et analyste politique