Naffi ou la séduction par le non-plein

Par: Mustapha GHAZLANI*

 

«Dans les rues de la ville il y a mon amour, peu importe où il va dans le temps divisé, chacun peut lui parler, il ne se souvient plus ; qui au juste l’aima ? » R. char, la pléiade, P : 278

Pour mieux contourner la dualité, plein / vide sur laquelle notre Ami l’artiste Mustapha Naffi construit son œuvre plastique, il faut, à mon sens, s’outiller des nervures sémantiques d’une autre dualité beaucoup plus parlante et encadrante de notre existence : Vie / Mort.

 

 

Le vide n’est vide que par deux déterminants majeurs : le premier est la présence d’un œil qui juge et décide la situation de ce qui est plein et ce qui est vide. Le deuxième est quand le vide devient le synonyme de l’absence, l’absence de quoi ? de ce que l’œil a jugé plein (forme, substance, couleur, vie…).

Mais pour mieux se rendre compte des résonnances sous-jacentes que contient cette dualité, j’aimerais faire appel à l’autre : Vie/ Mort.

Quand un homme, une plante… meurt, en réalité il ne gagne pas la position du vide, il est tout d’abord un non-vide puisqu’il change uniquement d’état de forme et il reste dans le non-vie avec la possibilité de gagner une autre vie sous d’autres formes : dans le cas des saints, des marabouts …

Alors, que l’artiste Naffi nous parle du vide, il penche toujours vers le non-plein et pas du côté du vide et encore moins du Néant. Car soucieux du sens -soucieux de la vie- il veut que son œuvre soit porteuse d’indices sémantiques.

L’œuvre de l’artiste Naffi est toujours entre peinture et sculpture et on la classe comme sculpture murale. Souvent l’interpénétration des formes entre le vide et le plein à l’intérieur de l’œuvre, nous fait appel à l’acte primaire de la procréation. Un acte, comme tout acte de pénétration, ne peut être encadré que par lui-même. C’est pour cette raison, peut-être, que le cadre chez Naffi n’est pas un auxiliaire, mais une partie influente dans la composition de l’œuvre.

Pour parler à Naffi, il faut être attentif à sa voix basse et aux mots fragiles tel un sage qui cède la raison pour l’intuition. Le premier acte de sculpter c’est soustraire ; soustraire des parties pour laisser place au vide. Mais, le vide dans la sculpture c’est un non- plein. Oui, facilement Naffi troque la parole pour le silence qui devient à son tour un langage non parlé.

Aveugles sont les yeux qui ne chassent que les formes et les couleurs. Alors que Naffi nous séduit par ses touches chromatiques pour que nous puissions s’établir sur le confort et la sécurité du plein, le non-plein demeure plus attractif pour l’œil averti et conscient que la vérité peut percher sur le segment non vide – non plein du moment où on ne sculpte que ce que la mémoire veut bien nous redonner comme réalité- réel.

 *Artiste plasticien – écrivain