Par Driss AJBALI*
Le geste généreux entrepris par sa Majesté le Roi Mohammed VI pour faire livrer à Gaza une quarantaine de tonnes de produits médicaux est un acte seigneurial. Outre que l’opération est largement financée par les fonds personnels de M6, le geste royal est, tout en cohérence, le prolongement naturel de sa qualité de Président du Comité Al Qods. Applaudie par les Palestiniens de Gaza, les premiers concernés, les Américains ont salué l’initiative.
Diablement pavlovienne, la réaction d’Alger, qui semble abhorrer les bons sentiments, préférant les mauvais, a, comme à son habitude, fait montre d’une attitude dédaigneuse et condescendante. De plus, le caractère inédit de l’itinéraire terrestre de l’opération humanitaire ne doit pas être pour rien dans l’amplification de l’urticaire de la nomenklatura névrotique d’El Mouradia. Elle est comme déstabilisée par le « en même temps » diplomatique chérifien.
En tant que Marocains, bénis de la géographie, nous sommes contrariés par les nuisances de ce voisin dérangé et sans gêne. Il entretient, depuis le siècle dernier, une rivalité maladive qui, à notre égard, frôle la guignolade. Il sème, sous serres, de sombres ressentiments arrosés d’une inépuisable aversion, liquide et fielleuse. Il a la malveillance pour le Maroc comme d’autres ont des cailloux dans les reins.
Rien ne semble lui échapper. Et aucun domaine n’est épargné: nos politiques, notre diplomatie, notre Sahara, notre Mosquée, la Mosaïque, la Gastronomie, le Caftan, le Sport, le foot tout particulièrement. Même l’opération « Marhaba » à destination des Marocains du monde l’exaspère. Il y a vraiment matière à pasticher un Jean de La Fontaine, qui, par la grâce de l’anthropomorphisme, nous gratifierait d’une fable sur un Fennec qui a le complexe du Lion.
L’esprit caustique de George Clemenceau nous a légué cette lumineuse sentence: « la guerre ! C’est une chose trop sérieuse pour la confier aux militaires ». Il aurait pu y ajouter aussi la politique. La preuve par l’Algérie et ses inamovibles poignées de militaires qui mettent le pays en coupe réglée. Détenteur de la lucrative « rente mémorielle », ils sont comme enkystés dans l’enflure d’un roman pseudo-révolutionnaire. En chœur ils entonnent, sur un air de cornemuse ottomane, le chant chimérique d’un tiers-mondisme, pâlichon, vieillot et obsolescent.
Cependant et pour illusoire qu’il soit, ce roman ou récit factice a une fonction thérapeutique. Alger pense solidement quelle fait partie du camp du bien. Cela lui suffit. La morale ou, comme disait Nietzche, la moraline est sa zone de confort. Cette posture est un rôle de composition réconfortant qui contribue à dispenser le pouvoir algérien de résoudre les problèmes et de sortir de l’impasse dans laquelle a été mis le pays. Reste l’ennemi extérieur, la France soit-elle ou le Maroc, pour procurer, à un peuple algérien à bout de souffle, un effet antalgique.
Et parce que ce vaudeville est plutôt tragique, cette bouffonnerie, animée par d’indécrottables tartuffes, n’a que trop duré.
*Sociologue-essayiste