Le polisario bascule dans le terrorisme (Par Abderrahim CHIHEB)

Par Abderrahim CHIHEB*

Le précédant article sur le conflit du Sahara marocain s’est achevé en laissant entendre clairement que la situation de déliquescence dont le Polisario fait l’objet, à présent, cache à peine ou plutôt mal les signes prémonitoires et avant-coureurs de sa propre mort, dans un avenir proche, eu égard à l’impasse, sur tous les plans, où il se trouve aujourd’hui. Il ne fait aucun doute que cette situation est la conséquence d’une longue évolution et de l’accumulation de plusieurs erreurs stratégiques condamnant cette entité à une disparition certaine. La dernière en date est l’attaque aux roquettes ou mortiers, dans la nuit de samedi 28 et dimanche 29 octobre 2023, qui a fait un mort et deux blessés graves. Cette attaque ignoble a été revendiquée par les séparatistes du Polisario. Le parquet a ouvert une enquête judiciaire afin d’identifier l’origine et la nature des projectiles et d’établir les suites juridiques et politiques qui s’imposent à la lumière des résultats des enquêtes judiciaire, militaire et celle de la Minurso. La question qui se pose maintenant est de savoir et de comprendre d’une part, les raisons qui ont motivé cet acte abominable; et, de discuter, d’autre part, de la conduite politique que le Maroc doit tenir à ce sujet, notamment en demandant l’adoption d’une résolution condamnant fermement cet acte terroriste et barbare; tout en envisageant l’option de la riposte militaire.

En effet, tout a commencé lorsque le Polisario a rompu unilatéralement, en novembre 2020, le cessez-le-feu, signé sous les auspices des Nations-unies en 1991, à la suite de l’intervention des Forces armées royales à El Guergarate pour rétablir le trafic routier vers la Mauritanie qui était bloqué, pendant plusieurs semaines, par des centaines d’éléments subversifs du Polisario, pour, justement, matérialiser la décision de la violation du cessez-le -feu.

Après la sécurisation du passage d’El Guergarate, vital et stratégique, reliant le Maroc à l’Afrique de l’Ouest, via la Mauritanie, le Polisario a promis une intensification du combat et des attaques dans les territoires marocains. Cela s’est traduit par des échanges réguliers de tirs de roquettes et de missiles de faible portée le long du dispositif de défense marocain.

Mais tout cela n’a plus rien à voir avec cette attaque odieuse perpétrée contre la ville d’Es-Smara et sa population sahraouie civile. En agissant ainsi et en revendiquant officiellement cet acte infâme, le Polisario non seulement s’est fait un grand tort qu’il lui sera difficile de réparer, mais, a commis une erreur fatale. En réalité, cette attaque est un attentat terroriste, exécuté avec du matériel militaire, visant des zones résidentielles et, plus grave encore, tuant des civils innocents; franchissant, de surcroît, la ligne rouge selon le droit international.

Aussi, doit-on rappeler que deux semaines après l’incident d’El Guergarate  et la rupture du cessez-le-feu, un autre incident, s‘est produit dans le zone tampon démilitarisée et interdite aux civils jouxtant la frontière algéro-marocaine, et a suscité, à son tour, une radicalité au sein des milices armées du Polisario. Une grande tension, dans la région, fut palpable suite à la mort de deux ressortissants algériens près de Bir Lahlou. Cet incident, qui a fait monter la tension de plusieurs crans, est l’élément qui a fait basculer les séparatistes sahraouis dans une séquence plus suicidaire. C’est ce qui semble ressortir des propos tenus par leur leader, Brahim Ghali, promettant l’intensification des combats et des attaques contre le dispositif de défense marocain. Le discours du Roi, Mohammed VI, adressé à la nation  le 6 novembre 2020, à l’occasion du 45ème anniversaire de la Marche verte,  a réaffirmé « qu’il n’y avait rien à négocier sur le Sahara ».

Un autre facteur, et non des moindres, a contribué fortement à pousser les séparatistes dans le sens d’une plus grande radicalisation. En effet, la supériorité de la technologie militaire marocaine a considérablement changé les rapports de force sur le terrain, affaibli les capacités militaires du Polisario et a transformé la zone à l’Est du dispositif de défense marocain la rendant un No man’s land interdit aux séparatistes du Polisario, en dépit du soutien de l’Algérie.

Par ailleurs, tout porte à croire que dorénavant, il y a un avant et un après l’attaque terroriste d’Es-Smara. Un acte qui a induit un changement de nature au niveau de la communication du Polisario. En effet, à partir des événements d’El Guergarate, les services de propagande du Polisario ont publié 900 communiqués vides de substance, dans le cadre de sa campagne mensongère et  fallacieuse, destinée à la fois à un usage interne visant les séquestrés de Tindouf et l’opinion internationale, sans que la Minurso en ait fait allusion dans ses rapports annuels aux Nation-unies.

Cependant,  le 901ème communiqué ne relève pas, en revanche, de la propagande habituelle, mais plutôt d’un communiqué dont la teneur est authentique et dans lequel le Polisario reconnaît la paternité de l’action terroriste perpétrée à Es-Smara et contre sa population civile. Par cet acte, le Polisario vient de planter le dernier clou dans son cercueil pour se transformer, au bout du compte, d’une entité politique et paramilitaire en une organisation terroriste au regard du droit international. Depuis la nuit de samedi à dimanche, s’est ouvert un nouveau cycle qui va, à n’en point douter, changer la situation géosécuritaire dans la région.

Un autre point, mais de taille également, qui met en lumière l’évolution au niveau de la position de l’Union européenne et de l’organisation des Nations-unies qui, à présent, ne considèrent plus le Polisario, comme le représentant unique et légitime des sahraouis de Tindouf en particulier et des sahraouis en général.

Parce que désespéré, désemparé et acculé, le Polisario a commis une erreur lourde de conséquences politiques lorsqu’il a pris, délibérément, le parti de tuer et de blesser des civils innocents de la ville d’Es-Smara. En un mot, par cette action irresponsable, le Polisario vient de signer son acte de décès, basculant officiellement dans la sphère du terrorisme. Ce qui, naturellement et inéluctablement, met gravement en péril le processus de négociations politiques avec le Maroc sous la supervision des Nations-unies.

Voilà pourquoi le Maroc est appelé à riposter par les moyens qu’il juge nécessaires et à s’activer pour agir efficacement, tirer avantage de cette situation et porter le coup de grâce aux ennemis de notre intégrité territoriale, l’Algérie et son proxy en tête, avec pour objectif ultime, bien évidemment, de clore définitivement ce différend régional autour du Sahara marocain.

En effet, et comme cela a été dit, en revendiquant l’attaque qui a tué et blessé des civils de la ville d’Es-Smara, la milice du Polisario a couru à sa propre mort, et de ce fait même, elle a offert au Maroc, sur un plateau en or, l’opportunité de disposer de quatre arguments juridiques à faire valoir au niveau du droit international: l’attaque du Polisario a visé des civils, c’est un attentat et non une attaque militaire, il y a parmi  les victimes civiles un mort et deux blessées, à la suite de tirs de roquettes à usage militaire ; lesquelles ont été utilisées à des fins de guerre. Enfin, le Polisario a revendiqué lui-même cet attentat. Ce sont là les quatre éléments constitutifs pré-requis en droit international permettant de qualifier le Polisario d’organisation terroriste.

Sur la base de ces éléments, le Maroc doit user de tout le poids de sa diplomatie, et de saisir, au plus vite, l’Union européenne, les États-unis et l’organisation des Nations-unies, pour inscrire le Polisario, tout comme les autres organisations, en tant qu’organisation terroriste, en considérant, de ce fait même, qu’il n’est plus un interlocuteur viable et d’exiger, par conséquent, de mettre fin au processus onusien.

Il faut marteler et répéter avec insistance qu’il n’y a plus de temps à perdre face à cet attentat terroriste, d’autant plus que la conjoncture politique et géopolitique régionale et internationale est plutôt favorable à la position marocaine réaliste et crédible pour le règlement politique de la question du Sahara marocain. La résolution 2703 que vient de voter le Conseil de sécurité des Nations-unies, non seulement conforte le Maroc mais consolide, en plus, ses victoires politiques propres à ce conflit.

L’analyse et le décryptage des éléments clés à retenir de la résolution 2703 qui, en réalité, a conforté le royaume dans sa position, à savoir:

– La rédaction de la résolution est faite par les États-unis que les observateurs et milieux avertis considèrent comme un allié indéfectible du Maroc.

– La position, sans ambiguïté, de la France qui soutient clairement, et comme toujours, le projet d’autonomie élargie; ce qui suggère, en filigrane, l’infléchissement des tensions liées à la crise silencieuse entre Rabat et Paris. Ce qui laisse supposer que les deux pays sont, peut-être, sur le chemin qui va conduire à son dénouement.

– L’abstention de la Russie, lors du vote du Conseil sécurité,  n’est pas habituelle. La raison  en est, probablement, qu’elle est, à présent, discréditée depuis  l’invasion de l’Est de l’Ukraine et de la Crimée.

– Le résultat du vote des 15 membres du Conseil de sécurité a aboutit à 13 voix en faveur de la résolution 2703 et 2 abstentions.

– La position de la Chine est tiède et diplomatique car, elle ménage la chèvre et le chou compte tenu de ses intérêts vitaux au Maroc.

– La confirmation par le Gabon de son soutien au Maroc, alors que le changement politique intervenu, suite à la chute du clan Bongo, laissait, auparavant, présager toutes les hypothèses.

– L’isolement de l’Algérie qui se voit réduite au silence et dépitée de la résolution qui fait référence à ce pays six fois, soit autant de fois que le Maroc. Un message politique du Conseil de sécurité qui désigne l’Algérie comme partie prenante au conflit et non un observateur comme c’est le cas de la Mauritanie.

– L’absence, dans cette résolution, de toute référence au référendum et l’injonction faite à Alger et au Polisario de fournir la liste historique du nombre réel de « réfugiés » dans les camps de Tindouf.

– la réaffirmation de la prééminence de l’initiative marocaine d’autonomie comme base sérieuse et crédible pour résoudre le conflit.

En somme, cette résolution, c’est du pain béni pour le Maroc. Un succès pour les efforts que notre pays ne cesse de déployer  ainsi que les acquis diplomatiques enregistrés, à travers le monde, pour persuader les instances internationales et les pays encore réticents du bien-fondé de sa cause. Aussi vient-elle conforter la position du Maroc dans ce conflit fratricide  l’opposant à l’Algérie qui, elle, est résolue, de son côté, à compromettre l’intégration du Grand Maghreb et la prospérité pour ses peuples depuis plusieurs  décennies.

En guise de conclusion, il importe de préciser que plus globalement, le soutien appuyé des États-unis à cette résolution, celui de la France, des Nations unies et de la communauté internationale, sont autant d’éléments révélateurs qui laissent transparaitre, de manière claire et limpide, que les temps ont finalement changé et le vent a bien tourné. C’est dire que la logique ayant sous-tendu le monde binaire et clivé, hérité de la guerre froide, est définitivement révolue. Elle n’est plus de mise dans un monde devenu dérégulé où les États ne sont plus contraints de s’aligner sur l’un des deux blocs dominants.

Ces mots, ces phrases ne sont ni un rappel à l’ordre, ni une sommation et encore moins une injonction, mais plutôt une prière, une exhortation destinée fraternellement au voisin algérien l’invitant à sortir du bourbier politique dans lequel il s’est enlisé depuis près d’un demi-siècle. Parce que c’est au nom du sacro-saint dogme de cette rigidité au prisme déformant, que beaucoup de tragédies ont ravagé de nombreux pays, à travers le monde. N’est-il donc pas temps de mettre fin à l’entêtement, à l’aveuglement et à l’obstination pour sortir de l’isolement par le haut, recouvrer la raison et le bon sens, et tourner cette page, pour en écrire une nouvelle, plus belle, plus lumineuse et plus prometteuse, où seuls les intérêts mutuels de nos deux pays et le bien-être de nos peuples respectifs compteront.

*Universitaire et Analyste Politique