La Coupe du Monde 2030: une aubaine et un grand défi (Par Abderrahim Chiheb)

Par Abderrahim Chiheb*

Ça y est, c’est fait, la Fifa a, enfin, retenu la  candidature du Maroc pour la co-organisation, avec l’Espagne et le Portugal, de la coupe du monde  de foot 2030. L’annonce de cet évènement historique à la nation a en été faite par le souverain lui-même. C’est, en fait, le plus grand évènement sportif du monde. Il aura, à n’en point douter, des répercussions positives sur notre pays, aux plans politique et économique, sur son image, sa position et son influence dans le monde.

Seulement voilà,  l’arbre ne doit pas cacher la forêt car, notre pays est désormais face à un défi colossal. C’est pourquoi tout doit être fait pour gagner ce pari. Et il ne dépend que de nous pour le gagner! Pourrions-nous en douter ?

Effectivement, ce qui ce qui vient de se passer montre et démontre une fois encore que grâce à son inclination et sa propension pour les défis, à sa patience, sa ténacité et à sa persévérance, le Maroc a réussi à convaincre les instances de la Fifa de voter en faveur de sa candidature.

Ainsi, l’attribution au Maroc, conjointement avec l’Espagne et le Portugal, de l’organisation de la coupe du monde de foot 2030, n’est finalement que justice rendue, après tant de tentatives avortées. Cette décision vient donc consacrer la pertinence et la justesse de la vision de notre pays ainsi  que les efforts qu’il n’a cessé de déployer dans le domaine du sport, et dans le football tout particulièrement.

Maintenant que le moment de l’euphorie et l’enthousiasme, suscités par cette bonne nouvelle, est bien passé, l’heure est, à présent, au diagnostic, à l’évaluation, à la réflexion et à l’analyse, en vue de prendre la mesure des implications, pour notre pays, de cette décision : évaluer les avantages et les inconvénients, les gains et les contraintes  que présente cette nouvelle expériences dans lesquelles le Maroc  s’apprête à s’engager, et qui va au-delà des limites de la  simple compétition sportive.   

Le choix du Maroc pour l’accueil, avec les deux voisins de la rive nord de la Méditerranée, de la co-organisation de cette immense compétition, est à considérer comme un enjeu politique de la plus grande importance dans le sens où notre pays est perçu par son entourage immédiat comme la passerelle et le point de jonction entre l’Afrique et l’Europe. Et la stratégie choisie par le royaume dans le cadre du sport est le Soft power ou la diplomatie sportive, qui s’est révélée être un excellent moyen pour améliorer l’image de notre pays et pour promouvoir son leadership sur la scène internationale.

Sur le plan sportif, l’attribution de l’organisation, avec les deux pays précités, de la coupe du monde 2030 est à concevoir également comme un acte de confiance vis-à-vis du Maroc que la Fifa considère comme étant un partenaire  fiable et sûr. C’est pour cette raison essentielle, semble-t-il, que notre pays doit impérativement saisir cette opportunité unique, et utiliser ce précieux capital de confiance comme un levier pour renforcer sa notoriété, élargir son rayonnement et pour se hisser au rôle d’acteur majeur au niveau régional.

Par ailleurs, cette opportunité, à laquelle s’ajoute, rappelons-le, bien évidemment, celle de la CAN prévue au Maroc en 2025, aura obligatoirement des répercussions positives sur  notre économie nationale qui a fait déjà, comme on le sait, par un passé récent, ses preuves en termes de résilience et de performance, notamment sa gestion du Covid 19 et celle du séisme d’Al Haouz tout dernièrement. Parmi ces répercussions positives, on peut citer le renforcement de la confiance des investisseurs étrangers en notre économie ; chose qui  va les inciter et les encourager, par conséquent, à investir encore et davantage dans notre pays.

D’autre part, et selon une étude effectuée par Sogécapital Gestion, la filiale de gestion des actifs du groupe Société Générale, le Maroc va devoir  puiser dans les deniers publics de l’État, pour dégager les ressources financières nécessaires pour la réalisation des infrastructures destinées à accueillir cette compétition mondiale de grande envergure. Cette grosse manne financière est, en fait, un gros ballon d’oxygène qui va, immanquablement, stimuler notre économie, ranimer fortement tout le tissu économique et  profiter, en particulier,  aux secteurs des banques, du BTP et des Télécoms.

Enfin, avec l’avènement de cette manifestation sportive planétaire, notre pays va  connaître, pour une période déterminée,  un accroissement notable de l’attractivité touristique qui se traduira par une affluence massive, des quatre coins du monde, des supporters des nations participant à cette compétition et dont les matchs se disputeront sur le sol marocain.

En termes de chiffres et selon l’analyse d’un membre important de la Fédération nationale du tourisme, un million de touristes étrangers feront le déplacement  chez nous pour un total de quatre millions de nuitées et un chiffre global de huit milliards de dollars. Cette performance, sur laquelle les professionnels du secteur du tourisme tablent,  contribuera indéniablement à la promotion du Maroc comme l’une  des meilleures destinations touristiques au monde.

Sept ans seulement nous séparent de la date fatidique, la date butoir à partir de laquelle  débuteront les compétitions de la coupe du monde de football en 2030. Cela passe vite, et c’est vite arrivé. C’est pourquoi le Maroc est invité à faire preuve d’une grande vigilance, de beaucoup d’attention et d’efficacité à la fois; fondamentalement sur trois volets qui semblent revêtir la plus grande importance pour réussir ce grand examen de passage:

Le premier volet porte sur l’effort considérable à faire sur le plan financier puisque le royaume doit mobiliser un budget colossal, estimé à six milliards de dollars, pour la réalisation des infrastructures sportives et autres, en conformité avec les critères et les exigences définis dans le cahier des charges. Il va falloir, en conséquence, non seulement trouver l’argent nécessaire pour la concrétisation de ce mégaprojet, mais, en plus et surtout,  le mener à bien de telle sorte que le résultat final soit conforme aux attentes et, en même temps, à la hauteur des enjeux de ce grand événement international. C’est le sacrifice à consentir et le prix à payer pour notre pays, qui ne doit ménager aucun effort pour prouver, une fois pour toutes, au monde entier, qu’on avait parfaitement raison de lui faire confiance.

Le deuxième volet a trait à la question sécuritaire qui, pense-t-on, doit être au cœur des préoccupations des responsables marocains qui auront la charge de veiller au bon déroulement des compétitions de la coupe du monde prévues dans notre pays en 2030.

En effet, il doit être souligné, tout d’abord, que l’appareil sécuritaire du royaume dispose des compétences, des ressources, de l’expertise et du savoir-faire nécessaires ainsi que des moyens logistiques requis lui permettant de mettre en place une réorganisation efficace et adaptée à la nature et aux dimensions de l’événement;  pour être en mesure de faire face aux risques multiples et variés qui pourraient se produire dans ce cadre (tels le terrorisme, le hooliganisme et la violence dans, autour et hors des stades, l’insécurité dans certains endroits sensibles…).

Mais d’une manière générale, soulignons que la solidité et la réputation des services de sécurité du Maroc ont et auront largement de quoi rassurer les esprits, à l’intérieur comme à l’extérieur du royaume. Les expériences accumulées, le grand professionnalisme de nos services de sécurité, leur collaboration étroite avec les plus grands services de sécurité du monde, les enseignements tirés, récemment par notre pays, de l’expérience enrichissante de la coupe du monde 2022 du Qatar auquel il a pris part ; tous ces éléments laissent penser que le Maroc a assurément les capacités pour garantir les conditions requises de sécurité pour tous et le bon déroulement de ce grand rendez-vous mondial.

Le troisième et dernier volet est en relation avec une question sensible d’ordre sociétal à laquelle il faudrait prêter une attention particulière, en nous interrogeant notamment sur ce qu’il  faut faire pour en finir avec ces  zones grises, ces espaces de dérégulations sociales, ces phénomènes sociaux répandus dans notre société. La mendicité, la prostitution, le racolage, le vagabondage, les enfants de rue et les sans domicile fixe, l’addiction à la drogue chez les jeunes, les marchands ambulants et d’autres manifestations de détresse socioéconomique. Autant de choses qui sont vraisemblablement à l’origine de la perception négative des touristes étrangers qui visitent notre pays.

C’est pourquoi chacun de nous doit se sentir concerné par cette situation et interpellé pour agir à son niveau et faire quelque chose, aider bénévolement à lutter contre ces phénomènes.

L’horizon 2030 n’est très loin de nous, d’où la nécessité pour nous tous de prendre conscience des enjeux de la situation qui pointe à cet horizon, parce que le jeu en vaut largement la chandelle, de retrousser nos manches pour que chacun puisse apporter sa contribution. Toutes les institutions du pays, les formations politiques et syndicales, la population, la société civile, les mass-médias et autres, tous sont invités à s’investir dans ce chantier qui s’avère être, tout compte fait, réaliste et réalisable vu le temps qui nous est imparti.

Un chantier dont le plan d’action pourrait être  l’organisation de conférences, de débats, de séminaires, de tables rondes, d’ateliers thématiques, de formations ciblées, de campagnes de sensibilisation. Tout cela dans le seul but de promouvoir, chez nos populations, chez les citoyens, toutes catégories sociales confondues, les notions de civisme, de  citoyenneté, de discipline, de cohésion sociale et d’unité nationale, pour les rendre visibles au niveau des comportements de tous, pour en faire un ambitieux programme d’éducation et de rééducation, avec pour objectif final le redressement de cette image de notre société qui est, par moments,  insupportable à voir.

En somme, il importe de rappeler vivement que tous ces efforts indispensables dont nous devons,  impérativement et collectivement, nous acquitter, apporteront sans nul doute leurs fruits, et contribueront à redorer le blason de notre pays, à améliorer son image aux yeux des hôtes qui sont censés venir chez nous ; mais pas uniquement en tant que fans  et amateurs de foot mais aussi en tant que touristes pour découvrir le pays avec tout ce qu’il a de bon et de mauvais. Faisons en sorte qu’il n’ait que du bon à voir afin de  remporter cette bataille. La bataille d’une nation débarrassée de ses vieux démons, de ses laideurs et de ses complexes, une nation qui n’a plus peur d’elle-même, plus peur de se montrer au grand jour.

*Universitaire et ancien cadre supérieur au Ministère de l’Intérieur