Le scientifique marocain Kamal Oudrhiri a mené avec succès une mission inédite de l’Agence spatiale américaine (NASA) qui ouvre de nouveaux horizons à l’étude des phénomènes quantiques dans l’espace et à leurs applications technologiques. M. Oudrhiri a dirigé une prestigieuse équipe multidisciplinaire composée, entre autres, de trois lauréats du prix Nobel et de deux astronautes.
La nouvelle percée qui permet d’étudier les plus petits atomes dans l’environnement le plus froid possible, constitue un jalon important en physique fondamentale. L’équipe de M. Oudrhiri ouvre en effet la voie à des recherches scientifiques dans divers domaines importants en physique telles que la nature de la gravité quantique, la matière noire et l’énergie noire, les ondes gravitationnelles, ainsi qu’à des applications plus pratiques telles que la navigation des vaisseaux spatiaux et la prospection de minéraux souterrains sur d’autres planètes.
En reconnaissance au travail dirigé par le scientifique marocain, l’Institut américain d’aéronautique et d’astronautique (AIAA) remettra à l’équipe du Cold Atom Lab le prix 2020 des sciences spatiales lors d’une conférence en novembre prochain.
L’équipe a été reconnue pour le « leadership démontré dans les enquêtes scientifiques innovantes associées aux missions scientifiques spatiales » au terme de son travail « pour le développement et la livraison du laboratoire hautement innovant d’atomes froids à l’ISS et pour les réalisations scientifiques pionnières. »
Ce travail pionnier a été rendu possible par le développement et la mise à niveau du Laboratoire installé depuis 2018 dans la station spatiale internationale.
« Avec cette mise à niveau, nous avons remplacé rien moins que le cœur du Cold Atom Lab », a déclaré Kamal Oudrhiri qui travaille à la NASA depuis une vingtaine d’années, et joué un rôle clé dans de multiples missions notamment celles liées aux engins d’exploration de Mars (« Curiosity », « Rovers », « Spirit » et « Opportunity ») en passant par les missions internationales « Cassini » pour la planète Saturne, « Grail » pour la lune et « Juno » pour Jupiter. Déjà doté de capacités inédites, le Laboratoire qui avait pu créer l’environnement le plus froid de l’univers, a été mis à niveau pour être encore plus performant par l’installation d’un nouvel interféromètre atomique puissant. Livré à la station spatiale en décembre et installé par des astronautes en janvier, cet interféromètre, le tout premier dans l’espace, a permis à l’équipe de réussir à faire apparaître un atome à deux endroits en même temps puis à le recombiner pour n’apparaître que dans un seul endroit.
« Il s’agissait d’une entreprise extrêmement difficile qui nécessitait une équipe dédiée sur le terrain et deux astronautes engagés », a déclaré Kamal Oudrhiri, chef de projet CAL, qui a salué le travail des astronautes Christina Koch et Jessica Meir qui ont reçu des conseils via une vidéoconférence en direct avec les ingénieurs du JPL au cours de huit jours.
Pour éviter de faire redescendre l’installation de la station spatiale – une étape à la fois longue et coûteuse – l’équipe en charge de la mission a guidé les astronautes en direct du Jet Propulsion Laboratory (JPL) de la NASA en Californie du Sud.
« Si cette installation ne s’était pas bien déroulée, il n’y aurait pas eu de seconde chance. Nous aurions dû ramener l’ensemble de l’instrument de vol sur Terre, ce qui aurait pu nous faire reculer d’au moins deux ans. », a indiqué le scientifique marocain. Le nouvel interféromètre atomique puissant, le tout premier dans l’espace, est conçu pour étendre considérablement les capacités de Cold Atom Lab. L’équipe a réussi à faire apparaître un atome à deux endroits en même temps. Puis ils l’ont recombiné pour qu’il n’apparaisse qu’en un seul endroit.
Fait inédit, cet exploit a été réalisé en plein confinement à cause de la pandémie du coronavirus alors que la plupart des membres de l’équipe scientifique travaillaient à domicile et que toute les communications se faisaient virtuellement.
Féru de lecture et d’histoire, M. Oudrhiri tient à rappeler, dans une déclaration à la MAP, que cette percée en physique est loin d’être une première de l’histoire en temps de confinement à cause d’une pandémie. L’isolement imposé par une pandémie a inspiré bien des percées humaines.
Pendant la peste des années 1600, alors qu’Isaac Newton était contraint de quitter l’université pour rentrer à la ferme de sa famille près de Cambridge, en Angleterre, il a aidé à développer le calcul et étudié la gravité, ce qui a finalement conduit à ses lois du mouvement. Pareille pour le grand dramaturge William Shakespeare qui, pendant la peste, a été inspiré pour certaines de ses pièces majeures.
A travers l’histoire arabo-musulmane, des avancées ont été réalisées en médecine par Avicennes ou en sociologie par Ibn Khaldoun en pleine période de confinement.
Selon la NASA, l’interférométrie atomique pourrait être utilisée pour mesurer les changements de gravité à travers la surface d’une planète pour en savoir plus sur sa composition et ses caractéristiques souterraines. L’outil pourrait également être utilisé pour tester la théorie fondamentale de la gravité d’Albert Einstein à un degré sans précédent.
L’équipe du Cold Atom Lab dirigée par le scientifique marocain a récemment confirmé que l’interféromètre atomique fonctionnait comme prévu, ce qui en fait le premier instrument du genre à opérer dans l’espace.