Marrakech à pied d’oeuvre pour préparer son déconfinement

Si Marrakech est, de l’avis de tout Marocain ou étranger, une ville pleine de vie, de jour comme de nuit, avec une effervescence et un foisonnement d’activités dans les divers domaines, une chose est certaine : un retour à une vie normale d’avant pandémie du Covid-19 dans la cité des ocre n’est pas pour demain.

Retrouver dans la première destination touristique du Royaume la « vie d’avant » la crise sanitaire induite par cet ennemi « invisible » nécessitera, bel et bien, du temps et une batterie de mesures proactives, notamment en termes de distanciation sociale, de sécurité sanitaire et de gestion des espaces publics et de la mobilité, durant la période post-Covid.

Un déconfinement qui, selon les opinions et expectatives des spécialistes, des experts, et des différentes parties concernées, devra se faire de manière progressive.

C’est dans ce sillage que les autorités de la ville impériale et l’ensemble des intervenants et acteurs institutionnels ainsi que la société civile sont à pied d’oeuvre, depuis quelques semaines déjà, afin d’anticiper tous les scénarii envisageables, l’objectif ultime étant de garantir une meilleure gestion de la période post-confinement.

Partant de sa vocation en tant que fédératrice de toutes les initiatives nécessitant l’implication de tous, la wilaya de la Région Marrakech-Safi a déclenché une dynamique vertueuse en vue de fédérer les énergies et engager une réflexion collective et structurée dans le cadre d’un débat constructif, qui évoque non seulement les spécificités et problématiques de la situation actuelle, mais aussi l’aspect prospectif, avec ses contraintes et défis qui exigent la recherche de solutions créatives et innovantes pour mieux s’adapter à la période post Covid-19.

Un Forum « Marrakech post Covid-19 », prévoyant une série de panels et d’ateliers de réflexions et d’échanges, a été donc lancé avec pour finalité la concertation entre l’ensemble des acteurs concernés par les modalités du post-confinement, notamment de l’usage des espaces publics et de la question de mobilité.

Il s’agit d’une démarche participative et inclusive réunissant aussi bien les acteurs institutionnels, les élus que la société civile, avec pour objectif la réflexion et la concertation autour des modalités du déconfinement pour anticiper les scénarios et améliorer l’usage des espaces publics, des transports et de la mobilité, entre autres.

La méthodologie adoptée est très précise de manière à permettre la canalisation de toutes les interventions selon une stratégie unifiée, fondée sur trois axes essentiels, a affirmé le wali de la Région, Karim Kassi-Lahlou, qui s’exprimait lors du premier webinaire ayant ouvert ce cycle de visioconférences et de panels prévus dans le cadre de cet ambitieux Forum.

Le premier axe, a-t-il expliqué, concerne la protection, notamment la prévention et la sécurité sanitaire, alors que le 2ème porte sur la relance des secteurs économiques et sociaux dans la perspective de garantir un nouveau décollage.

Quant au 3ème axe, a-t-il poursuivi, il est inhérent à l’innovation à travers l’élaboration de nouvelles solutions et outils d’intervention.

Conformément à cette approche, a indiqué M. Kassi-Lahlou, 4 ateliers interactifs à distance, ont été organisés en partenariat avec plusieurs intervenants et acteurs, dont le premier a porté sur le lancement d’une étude générale sur Marrakech post Covid-19, par l’université Cadi Ayyad et le Centre régional d’investissement, alors que le 2è a concerné l’Initiative Challenges, organisée par EBF (Emerging Business Factory) et ses partenaires.

Le 3ème atelier interactif a été lancé, en parallèle, par la CGEM Marrakech-Safi, avec comme axe central l’examen des questions relatives aux secteurs économiques et les perspectives de la garantie de leur continuité et relance durant la période post Covid-19, ainsi que la présentation de nouvelles solutions innovantes, a rappelé M. Kassi-Lahlou, notant que le 4ème atelier a été initié par le Conseil régional du tourisme et ses partenaires et concerne la promotion du secteur touristique.

Et d’enchaîner que le 5ème atelier interactif, dont la coordination des travaux a été confiée à l’Agence urbaine de Marrakech (AUM), porte sur la thématique des espaces publics qui soulève plusieurs défis à tous les niveaux.

Ainsi, une première visioconférence a été initiée par l’AUM sous le thème « Quels espaces publics après le déconfinement ? Penser le déconfinement à travers une pratique intelligente des espaces publics », l’occasion pour une pléiade de participants, dont des responsables, des acteurs institutionnels, des universitaires et des experts dans les domaines de l’urbanisme, de l’éducation et de la formation, de la santé, du tourisme, de l’architecture et de l’habitat, d’apporter des regards croisés et prospectifs sur l’usage et la gestion des espaces publics dans la cité ocre après la fin du confinement.

Le choix de cette thématique pour ouvrir ce cycle de débats sérieux n’est pas fortuit. En effet, les espaces publics seront, certainement, les plus prisés par les citoyens surtout après une aussi longue période de confinement. D’où la nécessité d’assurer une gestion optimale et efficace de ces lieux, qui constituent le cœur battant et le centre névralgique de la cité ocre, lors de la période post-confinement.

Les participants à ce premier webinaire ont, dans leurs recommandations, mis l’accent sur l’importance de la convergence des idées des différents intervenants en vue de favoriser l’émergence d’approches efficaces afin de mettre en place une nouvelle conception relative aux modalités d’exploitation des espaces publics, à même de garantir la sécurité de tous, dans le respect des mesures préventives après le déconfinement.

Ils ont suggéré aussi l’interdiction temporaire de l’exploitation des espaces publics pour l’exercice d’activités commerciales et économiques, la réorganisation provisoire de ces lieux, la conversion des rues d’une largeur de moins de 10m en des passages dédiés aux piétons, l’augmentation de la largeur des trottoirs au profit des piétons, la mise en place d’un plan relatif aux activités commerciales tout en prenant en compte la distanciation sociale, la sensibilisation et la conscientisation quant à la nécessité du respect des précautions sanitaires et de la préservation des espaces publics, outre la création de commissions mixtes pour assurer le respect des procédures préconisées.

Ils ont été également unanimes à souligner l’importance de la prise en considération de la relation entre la santé publique et la planification urbaine dans les politiques publiques en général.

D’autre part, les conférenciers ont recommandé l’atténuation de la pression de la circulation et de la mobilité à travers l’élargissement de certaines avenues et artères, la réorganisation de la circulation au niveau des giratoires et l’interdiction de l’entrée des poids-lourds à l’intérieur de la ville.

Ils ont, en outre, appelé à accorder davantage d’intérêt aux personnes à besoins spécifiques, à travers l’amélioration des accessibilités, et à inciter les citoyens à réduire leurs déplacements, tout en insistant sur l’impératif de repenser la gestion du transport public à même de garantir l’efficacité des moyens de prévention (distanciation sociale, désinfection en continu), outre l’adoption d’horaires de travail différents, selon les zones, afin d’éviter la congestion et les embouteillages à des moments bien précis, ainsi que la restructuration et la rénovation du parc des bus.

Dans un contexte de déconfinement qui invite à une réappropriation des espaces publics, l’instauration d’une telle dynamique de débats constructifs et engagés, déclenchée par les autorités de Marrakech avec le concours des acteurs institutionnels, sur la base d’une approche participative incluant les instances élues et la société civile, est une initiative judicieuse susceptible de permettre d’innover les expressions d’un mieux vivre-ensemble post-coronavirus.

Un tel dialogue serein et sérieux entre les acteurs concernés grâce à l’échange d’idées sur la question cruciale du déconfinement et les mécanismes d’intervention proactive ne peut que garantir une gestion des plus efficaces et des plus optimales des espaces publics et un cadre intelligent pour une meilleure mobilité au sein de la cité des « Sept Saints » lors de la période post Covid-19.

Mohamed Koursi