74 ans se sont écoulés depuis l’adoption de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, et plus d’un demi-siècle depuis que le Maroc a ratifié la première convention fondamentale dans un parcours d’adhésion et de ratification des conventions et protocoles fondamentaux relatifs aux droits de l’Homme.
Le Maroc est devenu aujourd’hui un état partie aux neuf conventions fondamentales et à la majorité des protocoles qui y sont annexés avec un ensemble d’obligations internationales dans le domaine de la protection des droits et libertés. De ce point de départ, le Médiateur pour la Démocratie et les Droits de l’Homme (MDDH) avec différentes dynamiques de la société civile défendant la liberté et la dignité humaine souhaite opérationnaliser les rôles de veille par rapport aux niveaux d’effectivité des obligations par le Maroc au titre des conventions et protocoles internationaux relatifs aux droits de l’Homme. Ce travail se fera en plaidant pour l’harmonisation de la législation et des lois nationales avec les normes internationales et en surveillant dans quelle mesure les citoyen.ne.s jouissent des droits et libertés au niveau réel mais aussi en alertant sur les dysfonctionnements et les abus potentiels, en plus de renforcer les mécanismes de concertation avec les différents acteurs impliqués dans la mise en œuvre des obligations du Maroc en matière de droits et libertés.
Dans la continuité du parcours et des étapes du projet « Suivi de la mise en œuvre par le gouvernement des recommandations des organes conventionnels » lancé par le Médiateur pour la Démocratie et les Droits de l’Homme avec le soutien du Fonds des Nations Unies pour la Démocratie, dont l’objectif est de contribuer à la promotion des droits et libertés à travers le soutien des efforts du gouvernement pour mettre en œuvre les recommandations des organes conventionnels.
Considérant la haute importance des recommandations émanant des mécanismes des droits de l’Homme des Nations Unies (organes conventionnels, procédures spéciales, examen périodique universel) et leur rôle principal dans la promotion, le développement et la protection du système des droits de l’Homme dans la mesure où ces trois mécanismes constituent la pierre angulaire du système des droits de l’Homme en plus des recommandations émanant de l’Organisation Internationale du Travail.
Du fait que l’étape du suivi de la mise en œuvre des recommandations des organes des Nations Unies constitue un indicateur décisif de mesures efficaces dans le domaine des droits de l’Homme mais aussi l’étape la plus importante du cycle du travail des mécanismes conventionnels.
Les diverses initiatives prises au niveau mondial ont montré un consensus croissant autour de l’importance de la contribution du Parlement dans le domaine des droits de l’Homme en plus du renforcement de son participation et de son implication de manière méthodologique pour le suivi des recommandations des mécanismes des organes des Nations Unies chargés des droits de l’Homme, d’autant plus que la réalité a montré qu’il existe peu d’exemples de participation officielle directe des parlements au cours du dialogue interactif avec les organes conventionnels des Nations Unies.
Compte tenu de la position distinguée du parlement marocain en comparaison avec d’autres institutions, et des importantes missions et responsabilités constitutionnelles et représentatives qui lui sont confiées dans le domaine du développement des droits de l’Homme, notamment à:
1 Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale ratifiée par le Maroc le 18 décembre 1970.
2 Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, Pacte international relatif aux droits civils et politiques, Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, Convention contre la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, Convention relative aux droits de l’Enfant, Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, Convention relative aux droits des personnes handicapées et Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.
3 travers ses fonctions législatives, de suivi des procédures et des politiques des droits de l’Homme prises par le gouvernement et d’évaluation des politiques publiques pertinentes. Et dans le cadre de la recherche de plus de discussions et d’interactions sur les rôles parlementaires liés à la mise en œuvre des recommandations des mécanismes universels des droits de l’Homme à la lumière des référentiels internationaux et des bonnes pratiques parlementaires, basées sur des mesures ainsi que des règles de procédure et organisationnelles qui renforcent les points d’entrée pour une exécution efficace au niveau national.
Le mercredi 4 Janvier 2023, le Médiateur pour la Démocratie et les Droits de l’Homme a organisé, en partenariat avec le groupe de l’Union Marocaine du Travail (UMT) à la chambre des Conseillers et le Fonds des Nations Unies pour la Démocratie, au siège de la chambre des Conseillers, une rencontre interactive, sur le thème « Le rôle du Parlement dans le contrôle et le suivi de la mise en œuvre des recommandations émises par les mécanismes des Nations Unies ».
Cette rencontre a connu une présence importante en termes de nombre de participant.e.s et intervenant.e.s (80 acteurs) répartis entre parlementaires, cadres administratifs, experts, universitaires et acteurs des droits de l’Homme et civils. Cette présence a contribué par leurs interventions et leurs discussions à enrichir les axes des sessions scientifiques et à alimenter le dialogue parlementaire sur les voies procédurales et pratiques possibles pour renforcer la contribution parlementaire à la question de la mise en œuvre des recommandations des organes des Nations Unies relatives aux droits et libertés.
A la lumière des différentes interventions scientifiques présentées dans le cadre des travaux de cette rencontre qui a constitué un espace approprié pour la recherche et l’étude du cadre de référence international des relations entre les parlements et les droits de l’Homme à la lumière des bonnes expériences parlementaires dans le domaine du suivi de la mise en œuvre des recommandations en plus de la présentation de la pratique parlementaire dans le cadre de l’expérience marocaine mais aussi du débat parlementaire qui s’en est suivi mais aussi des questions fondamentales qui ont concerné les différents axes des séances interactives.
De nombreuses propositions et recommandations pour renforcer le rôle du parlement dans le contrôle et le suivi de la mise en œuvre des recommandations émises par les mécanismes universels ont été soulignées. Celles-ci peuvent être identifiées et classées au moins dans les niveaux suivants :
1. Au niveau des procédures et des mesures organisationnelles des deux chambres du parlement
▪ Le besoin de renouvellement et d’innovation au niveau des structures et des organes des deux chambres du parlement, afin de contribuer à l’efficacité et à l’efficience du travail parlementaire dans le domaine des droits de l’Homme en général, et le contrôle et le suivi de la mise en œuvre des recommandations des organes des droits de l’Homme des Nations Unies en particulier ;
▪ L’adaptation du travail parlementaire aux exigences de développement et de promotion des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, et en faire une priorité dans le cadre de la révision des statuts des deux chambres du parlement dans un cadre de complémentarité, de coordination et d’harmonisation ;
▪ La création d’une commission parlementaire permanente relative aux droits de l’Homme au niveau de chacune des deux chambres afin de traiter exclusivement des questions et des sujets liés aux droits et libertés fondamentales conformément aux recommandations pertinentes de l’Union interparlementaire et du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’Homme ;
▪ Le renforcement du rôle du parlement dans la mise en œuvre de l’approche et des normes des droits de l’Homme à toutes les étapes de l’étude des projets et propositions de lois, ainsi que le projet de loi de finances lors des discussions, des amendements et du vote ;
4 ▪ La stipulation dans les règlements intérieurs des deux chambres du Parlement des dispositions permettant de prévoir des réunions sur les recommandations des organes conventionnels pour le suivi, la mise en œuvre et le contrôle avec la référence aux exigences de l’article 90 du règlement intérieur de la chambre des conseillers, qui a donné une nouvelle perception de l’approche du Conseil des droits de l’Homme et qui sont des exigences qui présentant des missions claires et un engagement explicite qui nécessite une effectivité et une mise en œuvre ;
▪ La stipulation dans les règlements intérieurs des deux chambres du Parlement que les commissions parlementaires permanentes peuvent convoquer des experts, des associations et des citoyen.ne.s pour les entendre sur une question de contrôle, de législation ou d’évaluation relative aux droits et libertés fondamentaux ;
▪ L’effectivité de l’approche des droits de l’Homme dans le processus d’évaluation des politiques publiques notamment dans le domaine e l’exécution des objectifs de développement durable.
2. Au niveau du renforcement de l’action internationale du Parlement en relation avec le système onusien des droits de l’Homme
▪ L’élargissement du rôle du parlement dans le processus de ratification des traités relatifs aux droits de l’Homme et suivi de toutes les étapes de leurs mises en œuvre, notamment au niveau de l’attribution de temps pour discuter des questions relatives aux droits de l’Homme et des questions connexes ;
▪ L’implication des parlementaires dans le processus d’élaboration des projets de conventions et d’accords internationaux ainsi de résolutions dans le domaine des droits de l’Homme ;
▪ Le renforcement et développement des relations et des liens interactives entre les deux chambres du parlement et le système onusien des droits de l’Homme, y compris la réception des titulaires de mandat et des experts internationaux en plus de la participation aux travaux préparatoires à l’élaboration des normes internationales dans le domaine des droits de l’Homme, ainsi que la contribution à l’interprétation des dispositions de certains articles de traités ou des « observations générales » ;
▪ L’implication des parlementaires dans le processus de l’élaboration des rapports périodiques et le renforcement de leur présence et leur participation dans les délégations nationales à des rendez-vous internationaux du Maroc dans le domaine des droits de l’Homme ;
▪ La nécessité d’ouverture aux bonnes pratiques et aux meilleures expériences parlementaires en relation avec le rôle du parlement dans la mise en œuvre des recommandations émises par les instances internationales et dans l’interaction avec elles ;
▪ Le développement des formes de coopération institutionnelle avec l’Union interparlementaire, notamment au niveau du bénéfice de son fonds documentaire pour soutenir le rôle des parlementaires dans le domaine des droits de l’Homme ;
▪ Le renforcement et le développement du partenariat des deux Chambres du Parlement avec l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et le Parlement européen, notamment dans le domaine des droits de l’Homme.
3. Au niveau du renforcement du rôle du parlement dans la mise en œuvre et le suivi de la mise en œuvre des recommandations
▪ L’organisation systématique du traitement des deux Chambres du Parlement des différentes recommandations émises par les mécanismes des Nations Unies des droits de l’Homme ;
▪ Le suivi de l’exécution des décisions et des avis des commissions sur les recours individuels ;
5 ▪ Le renforcement de la coopération entre les deux chambres du parlement et le Conseil National des Droits de l’Homme autour des mécanismes internationaux des droits de l’Homme et concernant l’harmonisation des législations avec les recommandations des mécanismes onusiens ;
▪ Demander au gouvernement, à travers la Délégation interministérielle chargée des Droits de l’Homme, de fournir aux deux chambres du parlement, de façon régulière et périodique, le résultat annuel de l’état de mise en œuvre des recommandations émises par les organismes de l’ONU de droits de l’Homme ;
▪ Demander au gouvernement, à travers le Secrétariat Général du Gouvernement, de revoir les notes introductives des projets de loi, notamment en veillant à mettre en exergue les obligations conventionnelles du Maroc ainsi que les recommandations onusiennes auxquelles les projets de loi soumis au Parlement ont répondus en plus des textes réglementaires pertinents le cas échéant.
4. Au niveau du renforcement des capacités institutionnelles
▪ Le renforcement des capacités des parlementaires et de l’administration parlementaire en matière des techniques et des exigences du fonctionnement des mécanismes onusiens des droits de l’Homme pour accompagner les évolutions du système et des méthodologies de travail de ces mécanismes ;
▪ L’élaboration d’un guide de référence à l’intention des parlementaires et de l’administration parlementaire concernant le rôle du parlement dans le suivi de la mise en œuvre des recommandations des organes des Nations Unies des droits de l’Homme ;
▪ Le renforcement des capacités des parlementaires et des cadres administratifs par des cycles réguliers de formations spécialisées autour des diverses questions et sujets relatifs aux droits de l’Homme.
5. Au niveau de l’ouverture et de la communication parlementaire civile
▪ Le renforcement des mécanismes de coordination et de communication ainsi que l’ouverture aux citoyen.ne.s, aux associations de la société civile et aux différents acteurs dans le domaine des droits de l’Homme ;
▪ L’institutionnalisation de la coopération entre le parlement et la société civile en matière de suivi de la mise en œuvre des recommandations des instances onusiennes des droits de l’Homme ;
▪ Permettre aux commissions parlementaires des deux chambres du Parlement d’écouter les associations de la société civile ainsi que les citoyen.nes sur les sujets et questions à l’étude liés aux droits et libertés ;
▪ Autoriser les commissions permanentes des deux chambres du Parlement à recevoir les avis et suggestions de la société civile, notamment ceux relatifs aux questions et sujets liés aux droits de l’Homme.