De l’école publique marocaine au club restreint du professeur Raoult… le fabuleux destin de Sara Bellali

Son nom est sur toutes les lèvres depuis que le Président Emmanuel Macron a effectué une visite surprise à l’Institut hospitalo-universitaire Méditerranée Infection à Marseille, pour s’enquérir du traitement à la chloroquine que préconise le professeur Didier Raoult. Un traitement qui fait débat en France et continue de le faire. Elle, c’est Sara Bellali, une jeune scientifique marocaine qui fait partie de l’équipe du célèbre professeur français. Une équipe majoritairement composée de maghrébins et de subsahariens, engagée dans la lutte contre le Covid-19.

Spécialisée en microscopie électronique, elle est aussi à l’origine de l’une des premières photographies du nouveau coronavirus qui est venu chambouler la planète tout entière.

Pur produit de l’école marocaine, Sara Bellali, a fait ses études à Casablanca, sa ville natale où elle a obtenu en 2010 un baccalauréat ès-sciences, spécialité physique-chimie. Après des études universitaires à la faculté des sciences de Ben M’sick, elle obtient un master international en sciences de la santé et du développement, en collaboration avec la faculté de médecine à Marseille.

Sélectionnée parmi les cinq premiers de sa promotion, elle intègre l’équipe du professeur Didier Raoult pour effectuer un stage dans le cadre de son master.

« C’est par hasard que je suis tombée sur le laboratoire du professeur Raoult pour un stage de six mois où j’ai eu la possibilité de travailler sur les bactéries plus particulièrement le microbiote digestif », confie-t-elle dans un entretien à la MAP.

Lors de ce stage, le Pr. Raoult a vu en elle « une scientifique » au potentiel énorme qui a « faim de savoir », et lui propose alors de préparer une thèse sous sa direction. Un travail qui a duré quatre ans, durant lequel la jeune marocaine a effectué nombre de recherches et déposé un brevet sur la conservation des bactéries intestinales par lyophilisation.

Agée d’à peine 28 ans, la jeune ingénieure en microbiologie a été à l’origine de la découverte de plusieurs nouvelles bactéries du tube digestif. D’autres travaux qu’elle réalise sont en cours de rédaction.

Aussitôt après la soutenance de sa thèse, le professeur Raoult lui propose de rejoindre ses équipes en tant qu’ingénieure de recherche dans l’équipe de microscopie électronique. Au sein de cette équipe de premier choix, composée de chercheurs issus de plusieurs nationalités, le travail porte sur nombre de projets en rapport notamment avec les bactéries et les virus. Mais récemment, toute l’attention et l’effort ont été focalisés sur le Covid-19.

« On analyse tous les échantillons de patients positifs et on observe à travers la microscopie le cycle de vie du virus ainsi que l’effet de la bithérapie composée de l’hydroxychloroquine et l’azithromycine sur le taux du virus dans les cellules à travers la microscopie électronique », explique-t-elle.

Concernant les conditions de travail avec le professeur Didier Raoult, cette titulaire d’un doctorat en microbiologie affirme s’être sentie à l’aise dès le premier jour, car le travail se fait au sein d’une équipe multinationale et « on n’a pas la sensation d’être différent ». « On est comme en famille, ce qui compte pour nous ici, ce n’est pas la nationalité, d’où tu viens, ce que tu portes ou la langue que tu parles, mais plutôt le travail que tu réalises et c’est le travail qui fait la différence ».

La jeune scientifique ne se plaint pas de la charge intense du travail, car l’équipe dispose de tout le matériel nécessaire dont la dernière génération de microscope électronique. Assoiffés de savoir, les membres de son équipe n’ont pas envie de sortir du laboratoire. « On y passe des heures et des heures, les jours fériés et les week-end, mais le travail ne finit jamais, et là avec la pandémie du coronavirus, la charge de travail est de plus en plus importante », affirme Sara Bellali.

Ce rythme et le suivi régulier du Professeur Raoult, un scientifique « très intelligent » et « dur au travail », lui ont permis d’évoluer et d’apprendre énormément, reconnaît la jeune scientifique marocaine. « J’ai beaucoup évolué. Sara de 2015 n’a rien à voir avec Sara d’aujourd’hui ». De plus, le professeur Raoult assure un suivi régulier de nos travaux, à travers notamment au moins une réunion par semaine. L’occasion d' »exposer nos recherches, nos résultats, mais aussi nos problèmes ».

« On essaie de regarder comment améliorer. Il est toujours joignable pour l’équipe, mais aussi pour ses étudiants », assure Sara Bellali.

Concernant le traitement à la chloroquine proposé par le professeur Raoult pour les patients atteints du Covid-19, et qui suscite depuis des semaines une vive polémique au sein des milieux scientifiques en France, Sara Bellali explique que l’institut propose un « traitement disponible et pas cher et ça à l’air de marcher ». « L’efficacité de ce traitement a été prouvée in vitro et in vivo chez des patients », affirme-t-elle.

Après tant d’année en France, Sara Bellali ne cache pas sa nostalgie pour son pays d’origine où elle a laissé famille et souvenirs d’enfance, et affirme qu’elle compte y revenir. « J’espère qu’avec cette crise sanitaire, le Maroc va s’investir dans la recherche », affirme-elle, formulant le voeu de voir des collaborations se nouer entre l’équipe marseillaise et des équipes marocaines.

« Je compte mener mes propres recherches. Pour le moment j’apprends le maximum possible auprès du professeur Raoult. Je suis encore jeune, je n’ai pas assez d’expérience, mais je compte former ma propre équipe au Maroc », avoue-t-elle le regard tourné ver l’avenir.