Un pays de plus de 450 « généraux »
La notion de «général» dans la hiérarchie militaire est toujours entourée de prestige et de respectabilité. Le général est un guerrier, un chef militaire de haut rang. C’est un « soldat » qui défend le territoire contre toute agression extérieure… une tâche noble qui existe dans toutes les collectivités depuis l’aube de l’humanité.
Or, cette notion qui induit discipline, expérience, maturité et héroïsme a été défigurée, abîmée et caricaturée dans le système militaire algérien avec plus de 450 généraux !! Un exemple unique dans le monde. Plus que la Chine, la Russie, la France ou les États-Unis.
30, parmi ces généraux, constituent le cercle des « décideurs » du pays… et 6 en sont le cœur, le noyau central. Une cohorte opaque qui décide de TOUT en imposant une «gestion brouillonne et chaotique» de tous les secteurs de la vie politique, sociale et économique…
Tout cela aggravé par la grande influence de généraux «sous-instruits», septuagénaires et octogénaires, qui n’ont rien compris à l’évolution du monde. Ils sont restés accrochés à leur « zone de confort » des années 60.
Ces généraux ont toujours refusé de confier l’exercice de hautes responsabilités à de jeunes Algériens compétents et dotés de forts potentiels qui ont été contraints de fuir le pays.
Il n’est pas étonnant de savoir qu’aucun parmi les présidents algériens, Ben Bella, Boumediene, Chadli, Kafi, Zeroual et Bouteflika ne possédait le baccalauréat.
Les présidents algériens n’ont jamais été issus des urnes, mais « nommés « comme des « chefs de service » par le clan des généraux forts du moment. Les élections truquées viennent valider un choix antérieur.
Et même, quand le chef d’Etat provient de l’armée, il ne devait sa «nomination» qu’au fait qu’il était « le plus ancien dans le grade le plus élevé ». Un critère qui ne garantissait aucune aptitude pour la fonction présidentielle, mais plus un stratagème pour que les clans se neutralisent.
Il est sans intérêt de parler des politiciens algériens (ministres, parlementaires …) issus de l’archaïque FLN ou autres partis. Ils ne constituent qu’un « paravent civil » d’opportunistes et affairistes au service de « l’arbitraire d’Etat» déployé par la nébuleuse militaire.
Dans un contexte où l’armée s’accapare la plus grande part du budget avec plus de 12 milliards de dollars en 2020, chaque vendredi, les manifestants lancent: «Etat civil, pas militaire» (Dawla Madania, Machi Aaskaria).
Une rupture totale de confiance entre l’armée et la société qui ne supporte plus cette situation où «l’Armée est propriétaire de l’ Etat».
Des généraux fragilisés
Les protestataires du Hirak ont envoyé des messages fermes à ces généraux pour qu’ils se replient sur leur « métier » et reviennent aux casernes.
Après avoir soutenu, au début, un 5ème mandat de Bouteflika, ressenti comme une humiliation par le peuple, les généraux, effrayés, ont abandonné le candidat grabataire, tout en emprisonnant ses soutiens civils et militaires.
La communauté internationale les surveillant de très près, ils n’ont pas osé réprimer les manifestants avec leurs méthodes barbares habituelles. Même le sacrifice d’une partie des généraux, jetés en pâture par la nébuleuse, n’a servi à rien.
Le discrédit des généraux remonte à très loin. Ils ont été aussi affaiblis suite à l’interception de 701 kg de cocaïne en mai 2018 au port d’Oran. Un scandale qui a éclaboussé un grand nombre parmi eux et ébranlé l’Etat militaire. Les USA et l’Espagne ont suivi de très près cette affaire et rien ne pouvait être étouffé.
Faut-il rappeler également les horreurs de la « décennie noire » suite au « putsch électoral » du 11 janvier 1992, mené par les généraux de triste mémoire Khaled Nezzar, Toufik Mediene, Abdelmalek Guenaizia, Mohamed Lamari, Mohammed Touati…
Entre 1991 à 2002, la confusion était totale: 200. 000 morts. La question « Qui tue qui? », toujours d’actualité, engage la responsabilité directe ou indirecte des généraux. La justice internationale n’a pas fermé ce dossier.
Aujourd’hui, ces potentats qui s’entre-déchirent – non plus dans les coulisses mais aux yeux du monde écœuré – renvoient une image lamentable !!
La disgrâce profonde du » général » algérien
20 généraux sont en prison: Toufik Mediene ( l’ex-Rab Dzair, seigneur de l’Algérie qui a sévi 25 ans avec ses services secrets), Bachir Tartag, Bouazza Wassini, Said Bey, Boudjema Boudouaour, Abdelghani Hamel, Nouba Menad, Amar Amrani, Abdelkader Lechkhem, Ali Akroum..
Les derniers en date, le général Bouazza Wassini et ses complices ont été arrêtés le 13 avril. Ils sont actuellement interrogés sous les brimades et les humiliations. Le brutal Bouazza Wassini, bras droit de Gaid Salah, aspirait à devenir un autre Rab Dzair. Après la mort de son chef, il voulait » nommer » un autre président Mihoubi en lieu et place de Tebboune. Erreur fatale!!
D’autres généraux sont en fuite en Espagne, France et Algérie : Khaled Nezzar; Meftah Souab, Athmane Benmiloud…
Certains généraux occupent toujours leur poste mais sont terrorisés. D’autres sont en instance d’être arrêtés. Quelques-uns sont arrêtés, relâchés puis de nouveau emprisonnés…
Du jamais vu ! L’implosion en direct d’un système militaire de cette manière.
Les Algériens sont spectateurs passifs face à ces événements. Ils n’expriment aucune solidarité avec les généraux « ceux qui emprisonnent » ou « ceux qui sont emprisonnés ». Ils se valent tous ! La société qui veut un vrai changement n’a que faire de ces « règlements de comptes » où même un semblant de procédures judiciaires n’est pas respecté.
Même les généraux et officiers supérieurs, plus ou moins éclairés, des nouvelles générations sont sous le choc. Une foire d’empoigne où l’image du « général » algérien est détériorée.
L’État de droit absent et le chaos entretenu
Il n’y a pas un pouvoir civil fort pour tracer des limites et imposer des règles aux généraux imbus de leur force et livrés à eux-mêmes. Mépris des civils, avidité, soif de pouvoir et de richesse pour eux et leurs proches.
Depuis 1962, tout a été saboté. Pas de partis politiques représentatifs. Pas de Parlement avec majorité et oppositions réelles et laissant jouer l’alternance. Pas d’Institutions, de tissu associatif, de syndicats, ni de société civile… Que des coquilles vides.
Tout a été asphyxié en Algérie et aucune tradition pour réguler ou absorber le mécontentent, dégager des solutions par le dialogue et la concertation. Tout est géré par la violence.
Aucune réflexion sérieuse sur le devenir économique de l’Algérie vivant de la rente. Des généraux tous « importateurs » de la farine à la bière en passant par le lait en poudre, l’ananas et les noisettes !
Ils n’ont jamais permis l’émergence d’un tissu productif y compris en imposant leur règle absurde des 49/51 qui a fait fuir l’investissement étranger. Tout secteur d’importation a son général de tutelle.
Pour perpétuer la domination, ils ne cessent de provoquer des foyers de tensions artificiels en interne et en externe. La main de l’étranger est leur épouvantail préféré. Ils font valoir un patriotisme douteux de manipulation en demandant, de temps à autre, des « excuses » notamment à la France et au Maroc et en se dédouanant de tout.
A titre d’anecdote mais signifiante, rappelons qu’en 2015 il a été » totalement interdit » aux radios algériennes de diffuser des chansons marocaines… considérant probablement que la musique marocaine était une menace pour la sécurité de l’État algérien. On se rend compte du dérèglement profond qui frappe ceux qui prétendent gouverner l’Algérie!!
Le jour où les généraux algériens respecteront leur peuple, ils respecteront leurs voisins maghrébins ou subsahariens
La genèse brutale et violente du système militaire algérien
La tradition de la prééminence du militaire sur le civil en Algérie est une conséquence de la lutte pour l’indépendance qui avait deux visages.
D’un côté, les maquisards et les fellaghas et de l’autre, des civils intellectuels politiciens qui théorisaient cette lutte et envisageaient une gouvernance civile pour l’Algérie post-indépendance.
Ces derniers ont perdu. Ils ont été liquidés ou écartés. Boumediene était chef de l’état-major général de l’Armée de Libération Nationale de 1959 à 1962.
A l’indépendance, Ben Bella et Boumediene représentants de la branche militaire, prennent le pouvoir. Deux nassériens, monolingues, enivrés par la phraséologie pseudo révolutionnaire arabe.
Ben Bella est devenu «président» avec un Boumediene «vice-président», planqué, cumulant « ministre de la défense, chef d’état-major et dirigeant de la Sécurité militaire ».
En 1965, le taciturne et sinistre Boumediene, fossoyeur de l’Algérie, renverse Ben Bella et devient «président, premier ministre, leader du FLN et ministre de la Défense». Il a régné de 1965 à 1978, bricolant une idéologie socialiste pseudo-révolutionnaire faite plus de slogans que de réalisations pérennes.
Dictateur assumé, il n’acceptait aucune opposition politique. Pire, durant son règne sont assassinées de grande figures historiques comme Mohamed Khider et Krim Belkacem. Les plus chanceux ont été mis en résidence surveillée comme Ferhat Abbas, Benyoucef Benkhedda, Ahmed Ben Bella.
C’est ce type de pratiques violentes et répressives fondées par Ben Bella et Boumediene qui ont composé l’ADN des généraux algériens d’aujourd’hui.
Totale légitimité des militaires (ex-maquisards ou fellaghas et aussi d’ ex-supplétifs rustres de l’armée coloniale française propulsés généraux…) qui se sont emparés du pouvoir et de l’Algérie… et illégitimité totale des civils qui doivent se contenter du deuxième rang en tout.
Tous les résistants authentiques et patriotes, militaires ou intellectuels, qui avaient un autre avis sur la gouvernance de l’Algérie ont été neutralisés.
C’est là que se trouve l’origine de cette distorsion de l’histoire et de la société algérienne qui a abouti à cette perception négative du » général algérien ».
La rente pétrolière diminue et les caisses sont vides. Les généraux qui ont tout fait pour empêcher la diversification de l’économie n’ont plus de moyens ou de visibilité pour perpétuer leur domination. L’épisode de la pandémie sera tôt ou tard fermé et la pression de la rue reprendra.
L’élite civile algérienne instruite, cultivée, éclairée et ouverte sur le monde aspire à gérer les affaires d’un pays apaisé, prospère et intégré dans la communauté internationale.