Le Collectif International de soutien aux familles d’origine Marocaine Expulsées d’Algérie en 1975 (CiMEA75) et l’OMDH sollicitent la constitution d’une commission d’enquête parlementaire sur la tragédie des expulsions arbitraires des familles marocaines d’Algérie en 1975 afin de contribuer à documenter ce drame et accéder à tous les faits renforcés par les témoignages des victimes et leurs ayants-droits, appuyés de preuves et de documents, et incitant les autorités algériennes à reconnaître officiellement leur responsabilité dans ce drame humain et à garantir aux victimes les droits à la réparation du préjudice moral et matériel qu’ils ont subi (et subissent encore) du fait des violations massives de leurs droits fondamentaux.
Pour rappel des faits, les autorités algériennes ont expulsé environ 45.000 familles marocaines d’Algérie en décembre 1975, de manière arbitraire et sans sommation, et à un moment où le monde musulman célébrait le très symbolique Aïd Al-Adha (fête du sacrifice), bafouant ainsi le caractère sacré de ladite fête religieuse. Les valeurs de solidarité, d’entraide, et de tolérance portées par l’Aïd Al-Adha se sont muées, en souffrances psychologiques et physiques pour ces familles qui se sont retrouvées hors de chez elles, dans les conditions d’un hiver rigoureux, particulièrement froid.
Malgré l’accueil chaleureux reçu par les expulsés, dispensé entre autres par les membres de leurs familles au Maroc qui les abritèrent ou les abris sous les tentes, dressées à la hâte par les autorités marocaines, ces familles ont continué à vivre sous le choc et l’horreur de la catastrophe, dépouillées de la totalité de leurs biens par les autorités algériennes.
Le gouvernement algérien n’a pas tenu compte de l’installation légale depuis plusieurs décennies, de ces citoyens marocains sur le sol algérien, tout en sachant qu’un grand nombre d’entre eux ont fondé des familles mixtes algéro-marocaines, et la plupart d’entre eux ont pris les armes pendant la guerre de libération face au colonialisme français, pour être récompensé au final par cette expulsion arbitraire, et sans préavis, vers le Maroc. Des milliers de femmes, d’hommes, d’enfants, de personnes âgées et même de personnes handicapées ont été conduites vers la frontière marocaine, où elles ont été contraintes de quitter l’Algérie sans autre raison que leur nationalité marocaine.
Les enfants, petits-enfants et leurs proches ont hérité de cette tragédie, qui s’est imprimée dans leurs mémoires et ont gardé les traces de cette expulsion. Aujourd’hui, les victimes directes, leurs ayants-droits et leurs soutiens ont une volonté forte de faire la lumière sur cette tragédie, d’établir la responsabilité de l’État algérien, d’en déduire les effets juridiques afin que les victimes soient réhabilitées et que leur mémoire collective soit préservée. Par ailleurs, il faut combattre l’oubli et le délaissement de la tragédie sur lesquels la classe dirigeante algérienne mise pour effacer les effets de son odieux crime.
Parmi les initiatives prises par les victimes, qui ont vécu ce drame humain, figurent la création de leurs propres associations pour faire entendre leurs voix, soit en entreprenant des initiatives individuelles, soit en documentant leurs témoignages en publiant des livres, des films et autres pour maintenir ce dossier ouvert au niveau national et international. Les efforts de plaidoyer des associations de victimes leur ont permis de porter ce dossier à l’attention du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies et du Comité pour la protection des droits des travailleurs migrants et leurs familles. Ces mesures, malgré leur importance, restent insuffisantes, surtout à la lumière de l’obscurcissement continu de l’État algérien sur ce crime, niant sa survenance en premier lieu et falsifiant les faits à son sujet.
Sur la base de ce qui précède, il est essentiel de continuer à travailler sur ces événements de 75 afin de les documenter sous l’égide d’une institution constitutionnelle solide (en l’occurrence la Chambre des représentants). Cette contribution aura une valeur décisive dans la restauration de la dignité à des milliers de personnes ainsi que d’élever la responsabilité de l’État algérien avec le poids de la responsabilité qui lui est confiée. En effet, sa responsabilité dans la perpétuation de la souffrance de milliers de victimes en insistant pour nier les crimes commis contre ces Marocains et en poursuivant les campagnes de black-out et la falsification des faits et parier sur le temps pour effacer les effets de ce crime odieux, et parier sur l’oubli de ces victimes.
L’objectif espéré de la constitution d’une commission d’enquête parlementaire sur ce drame serait de permettre, avant tout, de faire la lumière sur ce drame et rassembler toutes les données à son sujet, qu’elles soient en possession de diverses administrations d’intérêts publics ou qu’elles émanent de divers organisations, des personnes physiques ou personnes morales, tout en préservant la mémoire des victimes directes et indirectes, en documentant leurs témoignages et en compilant les fondements et arguments disponibles. Il s’agit en plus d’explorer tous les recours possibles pour la réhabilitation des victimes et de les aider à accéder à tous les moyens possibles de réparation, et l’élaboration d’un document de référence, qui répond à toutes les spécifications permettant aux victimes et à leurs organisations de défense, de s’en servir comme un outil important pour soutenir leurs efforts de plaidoyer au niveau international.
Le Collectif International de soutien aux familles d’origine Marocaine Expulsées d’Algérie en 1975 et l’OMDH restent dans l’attente d’une réponse de votre part, à ce mémorandum qui vise à constituer une commission d’enquête parlementaire conformément aux dispositions du chapitre 67 de la Constitution et aux lois en vigueur. Le Collectif International de soutien aux familles d’origine Marocaine Expulsées d’Algérie en 1975 et l’OMDH se tiennent à votre disposition pour tout apport pouvant faciliter la réalisation de cet objectif.