Neila Tazi, présidente de la Fédération des Industries Culturelles et Créatives (FICC) relevant de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) a accordé un entretien à la MAP en marge de la présentation des conclusions d’une étude de terrain intitulée « Quelles transformations pour les ICC au Maroc: Focus sur 4 filières, l’édition, le spectacle vivant, l’audiovisuel et la musique ». En voici la teneur:
1- Le secteur des Industries Culturelles et Créatives (ICC) a été l’un des plus touchés par la pandémie de Covid-19. Comment cette crise sanitaire pourrait constituer une opportunité pour accélérer la réforme du secteur et poser les jalons d’une véritable économie des ICC ?
La pandémie de la covid-19 a eu un impact très sévère sur les ICC, en particulier sur les filières de la musique, le spectacle vivant et l’événementiel.
En tant que fédération, nous sommes une force de proposition et nous essayons d’apporter des idées et de contribuer à l’émergence de ce secteur. Dans ce sens, il est important d’accélérer les réformes car le secteur est paralysé et si nous voulons le relancer, il est impératif d’engager des réformes d’une manière extrêmement rapide, notamment sur le plan législatif, en l’occurrence à travers l’adoption de décrets suite au vote de la loi sur le crowdfunding.
Il faut également accélérer le processus de discussions au sein du parlement, adopter la loi sur les droits d’auteurs et réformer le Bureau Marocain des Droits d’Auteurs (BMDA) qui représente un élément structurant du marché et de l’avenir des ICC.
Par ailleurs, nous devons saisir l’opportunité du digital qui est la source de la transformation générationnelle que connaissent certaines filières. Le digital est actuellement en train de tout changer.
Aujourd’hui, il est essentiel d’accélérer la transversalité des réformes dans ce domaine afin de pouvoir accompagner ce secteur essentiel pour l’émancipation des jeunes et le développement humain au Maroc.
Il est, en outre, impératif de saisir ces opportunité dans la formation parce qu’il y a énormément de demandes, de potentiel, mais nous avons besoin de former les jeunes à ces nouveaux métiers d’avenir qui ont démontré leurs résultats dans des pays comme la Turquie, le Nigéria et la Corée du Sud.
2- Quelle est votre perception du modèle culturel post-covid ?
La culture est un secteur porté politiquement au plus haut niveau du gouvernement, étant donné qu’il s’agit de la seule façon pour que ce secteur puisse changer de statut.
Nous avons le sentiment depuis des années que la culture est une variable d’ajustement alors qu’elle doit constituer un pilier du développement.
Il est très important d’envoyer des signaux très forts aux acteurs du secteur particulièrement de la part du gouvernement, car il y a un ensemble de secteurs qui profitent de la dynamique culturelle, à savoir le tourisme, la jeunesse, les collectivités territoriales, le développement des villes et la diplomatie.
Aujourd’hui, il faut que ce secteur lui-même en bénéficie d’abord, qu’il soit doté d’une vision et que des moyens lui soient alloués.
Il faut rappeler que le budget de la culture au Maroc n’a pas encore atteint le 1% du budget recommandé par l’unesco. Nous attendons donc de ce nouveau gouvernement des signaux et des actes forts, outre des actions concrètes dans ce sens dans les années à venir.
3- Quid des mesures proposées par votre fédération afin de préserver les emplois, accompagner les filières en difficulté et assurer la relance du secteur des ICC ?
Pour assurer la relance du secteur, il faut ouvrir un dialogue avec les départements ministériels concernés. En effet, toutes les manifestations culturelles qui occupent une place très importante dans notre paysage culturel et notre rayonnement international vont être essentielles et vont constituer un élément fort de la relance touristique lorsque les frontières seront ouvertes à nouveau et que notre stratégie touristique sera relancée.
Il est important maintenant d’ouvrir cette discussion afin d’aider et d’accompagner ces acteurs qui sont livrés à eux mêmes depuis presque deux ans et qui ont été contraints de licencier et de se séparer de leurs collaborateurs, étant donnée l’absence de visibilité.
Nous avons réalisé un sondage au sein de notre fédération et la plupart de ces entreprises ont affirmé que la relance de leur activité nécessite six à douze mois, ce qui est normal parce que l’organisation de manifestations culturelles de grande envergure demandent des mois voire un an de préparation.
4- Le nouveau modèle de développement (NMD) considère la culture comme un levier multidimensionnel de prospérité économique, de lien social et de soft power géopolitique. Comment vous inscrivez-vous dans cette optique ?
Nous sommes extrêmement satisfaits de la place accordée à la culture dans le rapport sur le NMD, quoique nous aurions aimé avoir une approche sectorielle plus détaillée et plus spécifique sur le développement et la réforme de ce secteur.
Ce qui est important de rappeler c’est que le NMD place la culture comme un pilier puisqu’il l’inscrit dans le développement du capital humain.
Si nous voulons aller de l’avant, il faut s’occuper du capital humain et des jeunes, travailler sur l’épanouissement et la formation de la jeunesse et les accompagner afin de leur permettre d’exercer les métiers de demain.