Pour la compagnie aérienne publique « Air Algérie », qui vit sous respirateur depuis un certain temps à la faveur des subventions publiques de plus en plus difficiles à mobiliser par un pays en difficultés économiques de plus en plus insoutenables, le quotidien est ponctué de scandales à répétition.
Dès que des mesures, en trompe l’œil, sont prises pour remédier à un quelconque dysfonctionnement, les responsables de la compagnie se réveillent le lendemain avec une gueule de bois, en découvrant, médusés, d’autres failles dont ils n’ont pas les moyens de colmater ses brèches.
En témoigne le scandale qui a éclaboussé la compagnie le 20 septembre dernier à l’aéroport de Paris-Orly. Les faits relatés donnent le tournis et renseignent sur la gouvernance calamiteuse des entreprises publiques en Algérie où tout semble marcher de travers.
Un steward d’Air Algérie a été pris la main dans le sac, alors qu’il tentait de faire passer une quantité de cocaïne.
Ayant reçu l’autorisation de quitter l’avion pour effectuer des achats à la pharmacie, le Steward d’Air Algérie a été détecté par le portique dissimulant 400 grammes de cocaïne qu’il a scotchée sur sa cuisse.
La drogue était destinée à la revente ou à la consommation en Algérie, selon les résultats de l’enquête diligentée par la police française, qui a permis de découvrir que l’employé de la compagnie aérienne algérienne faisait uniquement la « mule » de tout un réseau sophistiqué de trafic de cocaïne qui a l’habitude d’envoyer d’importantes quantités de stupéfiants vers l’Algérie.
Selon des sources sécuritaires, il n’est pas exclu que de hauts responsables de la compagnie aérienne algérienne soient convoqués par les enquêteurs français pour qu’ils soient auditionnés à propos de leurs liens présumés avec le steward chargé de transporter de la cocaïne depuis Paris jusqu’à l’Algérie.
Après le coup de massue qu’elle a subi, la compagnie a annoncé avoir durci ses règles de sécurité. Peine perdue. Le mal semble plus profond dans ce pays où la corruption a été érigée, depuis des décades, en système.
En effet, à peine trois semaines après, la compagnie dont la réputation est loin de faire l’unanimité, a payé cash les frais des errements de son personnel navigant dont un groupe se trouve impliqué dans une autre sombre affaire.
L’information, rendue publique le 15 octobre, fait état de quatre stewards algériens d' »Air Algérie » impliqués dans un réseau de recel de téléphones volés.
Selon les enquêteurs, au moins 600 téléphones mobiles haut de gamme ont été « exportés » entre décembre 2020 et février 2021, « générant un profit de plusieurs dizaines de milliers d’euros par mois.
Les quatre stewards d’Air Algérie, dont le neveu d’un sénateur en poste, sont sous le coup d’un mandat d’arrêt international.
Le procureur de la République de Rennes a déclaré que « les investigations se poursuivent, sur commission rogatoire en France, et auront vocation à se prolonger » en Algérie et au Luxembourg, où réside le chef du réseau.
La succession de scandales viennent au mauvais moment pour cette compagnie aérienne qui fait face à un véritable gouffre financier que les pouvoirs publics n’arrivent pas à lui trouver le remède efficace.
La compagnie aérienne algérienne, qui a dû clouer ses avions pendant une longue période où son activité s’est limitée quatorze mois durant aux opérations de rapatriement et au fret aérien, connaît une mauvaise passe.
Elle a d’ores et déjà demandé une aide d’urgence de l’Etat pour pouvoir continuer à fonctionner et honorer ses engagements.
Les dirigeants d’Air Algérie ont alerté les responsables à plusieurs reprises, sur l’incapacité de la compagnie à assumer les charges salariales, de l’entretien et la maintenance des avions, ainsi que ses dépenses en devises.
Selon des rapports officiels, « Air Algérie » caracole des pertes estimées à 40 milliards de dinars en 2020. Un chiffre qui devrait se creuser davantage en 2021.
Pour l’heure, les spécialistes évaluent un besoin urgent d’un refinancement public de plus de 900 millions de dollars pour que la compagnie puisse poursuivre son activité, honorer ses engagements notamment envers son personnel et entretenir sa flotte.
Cette descente dans les abysses que connaît « Air Algérie » n’est pas le fruit du hasard, loin s’en faut. Elle est une résultante logique d’une gestion chaotique de cette entreprise.
D’ailleurs, l’ex-PDG d’Air Algérie, Bekhouche Allache, a été condamné le 27 septembre à deux ans de prison dont un an ferme, dans le cadre de l’affaire dite Hamid Melzi, un ex-patron d’un établissement public accusé de faits de corruption pour le compte de proches du défunt ex-président Abdelaziz Bouteflika.
L’ancien patron avait été démis de ses fonctions en janvier dernier, officiellement pour avoir décidé l’importation des services en porcelaine pour les cabines de première classe sur les Airbus A330-200, alors qu’Air Algérie est privée de vols réguliers à l’international pour cause de pandémie de Covid-19.
La gestion catastrophique d’Air Algérie et les nombreux scandales, qui ne finissent pas de l’éclabousser, ne sont que la face apparente de l’iceberg. La corruption et la mauvaise gestion des entreprises publiques gangrènent un pays dont les dirigeants politiques ont une aversion à la conduite d’un véritable changement.