Depuis que le 14 mai a été déclaré Journée Nationale du Théâtre en 1992, elle a toujours été l’occasion de productions et programmations nationales soutenues, agrémentées de rencontres, de débats et d’événements divers ; généralement enrichissantes puisque vecteurs d’intensification de l’activité culturelle.
En cette année 2021, malgré une certaine expertise -à priori- développée par nos gouvernants en matière de gestion pandémique, un programme pour le moins léger vient d’être annoncé par le Ministère de tutelle, en plus de quelques actions digitales locales du fait de quelques professionnels et/ou organisations ; hélas à diffusion réduite.
Quatre pièces ayant remporté les prix nationaux ces dernières années seront donc projetées via la page officielle du Ministère, ainsi que d’autres œuvres théâtrales – non précisées à ce jour- sur les pages des directions régionales.
En termes d’impact réel sur le secteur, cette initiative a le mérite d’exister mais des questions nous interpellent naturellement: qu’est-ce qui sera proposé au public digital ? Est-ce des productions récentes ? Dans quel cadre cela a-t-il été réalisé et dans quelles conditions ? Les professionnels en bénéficieront-ils directement ou indirectement ?
Signalons que récemment ces professionnels de l’art dramatique, du moins ceux ayant bénéficié de la subvention publique « exceptionnelle » annoncée en 2020, viennent à peine ou sont en cours de finaliser les quelques représentations à guichets, salles et théâtres fermés (au sens littéral).
Il y a eu donc officiellement 173 troupes théâtrales qui se sont déplacées dans plusieurs salles de spectacle, en jouant des représentations devant des chaises vides dans des salles vidées de leurs substance première, avec pour objectif la captation vidéo actant et prouvant administrativement le respect de leur engagement vis-à-vis de l’autorité ministérielle.
Certes, c’est une solution -si l’on fait fi des délais de paiement- pour remédier en partie à la précarité alarmante qu’ont vécue, et que vivent encore, beaucoup de professionnels, sans citer les praticiens des formes de théâtralité moins officielles ou officialisées, les conteurs des places par exemple.
Qualifier l’initiative ministérielle de demi-mesure est donc un euphémisme ; surtout si l’on sait que le Ministre actuel a posé parmi ses priorités la digitalisation, notamment dans le contrat-programme annoncé en grande pompe en début d’année.
Est-ce que le département de la Culture a pensé à concrétiser une vraie offre numérique nationale, malgré des centaines de pièces de théâtre filmées -et pas qu’en 2021- ? Ou bien le slogan porté par l’actuel porteur du maroquin « résilience et digitalisation » doit-il être traduit par résilience pour les artistes et professionnels, en attendant un jour la digitalisation ?
Celle-ci requiert par ailleurs un plan d’action clair, objectif et réalisable ; chose dont on peut douter à l’approche des élections législatives ; alors qu’en fin de compte, cela impacte l’un des rôles constitutionnels de l’État relatif à l’accès aux biens et services culturels pour les citoyens.
En somme, nos praticiens, depuis longtemps entraînés à la survie artistique arborent le masque de la tragédie, puisque la comédie est pratiquée par les décideurs avec pour conséquence le summum de l’absurde ; dont on espère au moins qu’il sera source d’inspiration pour certains.