
Par: Mohamed KHOUKHCHANI

Depuis des décennies, la corruption est une plaie structurelle au Maroc : pots-de-vin, clientélisme, recrutement irrégulier, fraudes électorales, détournements et complicité dans les marchés publics. Ce qui avait commencé comme des écarts ponctuels est devenu une mécanique enracinée, paralysant l’État, fragilisant la confiance citoyenne, et compromettant le droit à l’égalité des chances et à la justice, notamment pour les catégories vulnérables.
Indicateurs et constats officiels
La Haute Instance pour la Probité, la Prévention et la Lutte contre la Corruption (INPPLC) a estimé que le coût annuel de la corruption dépasse 50 milliards de dirhams [1].
Dans son rapport 2023, l’Instance relève une baisse de la note du Maroc à 38/100 dans l’indice de perception de la corruption, traduisant un recul dans les efforts de lutte [2].
En mars 2024, le Maroc a été réélu vice-président de la Network of Corruption-Fighting Agencies (NCPA), un signe d’engagement institutionnel et d’image internationale [3].
Ces éléments confirment l’ampleur du problème et l’existence, du moins en théorie, d’une volonté de réforme.
Un cadre institutionnel en cours de consolidation
En mai 2025, l’INPPLC a lancé un processus national d’« examen continental » pour évaluer la mise en œuvre de la Convention africaine sur la lutte contre la corruption, avec une démarche participative associant secteur public, secteur privé et société civile [4].
L’Instance multiplie les initiatives de transparence : supervision des marchés publics, partenariats internationaux, et organisation de séminaires et formations sur la probité [5].
La Stratégie nationale de lutte contre la corruption (2018) représente un cadre référentiel initial, mais son application effective nécessite une volonté politique forte et une extension de la transparence à tous les niveaux [6].
Pourquoi la route reste longue ?
La corruption s’inscrit dans une logique d’intérêts historiques — réseaux clientélistes, rente, interventions non déclarées. La reddition de comptes est souvent sélective, ne couvrant pas toutes les personnes impliquées. La société civile et les médias font face à des obstacles dans le signalement et le contrôle, particulièrement après des tentatives législatives visant à restreindre leur rôle. L’absence d’une numérisation complète laisse les « transactions papier » comme une opportunité pour la continuité de la petite et grande corruption, notamment dans les services administratifs et les marchés publics.
Voie à suivre pour une réforme durable.
● Numérisation intégrale des services publics : Réduire les contacts directs, garantir transparence et traçabilité.
● Application stricte des lois anti-corruption : Enrichissement illicite, détournement de deniers publics, conflits d’intérêt, sans exceptions.
● Protection des lanceurs d’alerte : Rôle accru de la société civile et des médias pour signaler les cas avérés.
● Transparence totale du financement politique : Réglementer les campagnes électorales et le financement politique illicite.
● Indépendance et renforcement du pouvoir judiciaire : Garantir aux juges la liberté de statuer sur les grandes affaires de corruption en toute impartialité.
● Éducation à l’intégrité dès l’école : Inculquer les valeurs citoyennes, de probité et d’intérêt public pour préparer des générations intègres.
Conclusion :
La corruption au Maroc dépasse le simple « mauvais comportement » — c’est un défi systémique. Les signaux institutionnels — rapports, élection dans des forums internationaux, lancement de l’examen des conventions internationales — sont encourageants. Mais l’essentiel est que cette “volonté” se traduise par des actions concrètes, un contrôle régulier, une responsabilisation effective, une implication citoyenne, et une éducation à l’intégrité. Alors seulement le Maroc se transformera en un véritable État d’institutions — juste, transparent, et garantissant la dignité du citoyen et l’égalité des chances.
Références bibliographiques:
[1] Rapport préliminaire de l’INPPLC (2024–2025). Il estime le coût annuel de la corruption à plus de 50 milliards de dirhams.[2] Rapport INPPLC 2023. Il mentionne le recul de l’Indice de Perception de la Corruption (38/100).
[3] Réélection du Maroc (mars 2024) en tant que vice-président de la Network of Corruption-Fighting Agencies (NCPA).
[4] Lancement de l’examen de la convention de l’Union Africaine (mai 2025). C’est une confirmation de l’engagement officiel du Maroc à appliquer les normes continentales de probité.
[5] Activités et plans de l’INPPLC (2025). Ce sont des initiatives de transparence, de coopération internationale, de renforcement du climat anti-corruption.
[6] Stratégie nationale de lutte contre la corruption (2018). Elle constitue le cadre officiel définissant les objectifs et les axes des réformes.





