
Par: Mohamed KHOUKHCHANI

La vie politique marocaine traverse une crise profonde de crédibilité et de légitimité. Cette crise n’est pas seulement ressentie : elle est mesurée par des chiffres qui dressent un tableau inquiétant de la relation entre citoyens et partis politiques.
1. Une crise de confiance sans précédent — Les chiffres parlent
Selon une enquête récente, 94,8 % des Marocains déclarent ne pas faire confiance aux partis politiques, et 91,5 % n’appartiennent à aucun parti.
Ces données montrent une rupture quasi totale entre la société et ses représentants supposés.
Sur le plan électoral, les données Afrobarometer (2025) indiquent que seulement 51 % des citoyens ont voté lors de la dernière élection nationale, un taux bien inférieur à la moyenne africaine (~72 %).
Chez les jeunes, le constat est encore plus alarmant : un rapport du CESE montre que moins de 1 % des jeunes sont membres d’un parti politique.
Ce désengagement se traduit parfois par des mouvements protestataires, comme “Gen Z 212”, symbole d’une génération qui refuse les anciennes pratiques politiques.
2. Quand la politique devient un investissement personnel
Pour une partie des élites politiques, l’engagement n’est plus un service public mais un moyen d’accéder à des avantages matériels, à des réseaux locaux et à des opportunités économiques.
Cela contribue à :
● la montée du clientélisme,
● la domination des notables,
● et la marginalisation des compétences et de la jeunesse.
3. Responsabilité, transparence et corruption
Selon Afrobarometer, 43,8 % des citoyens pensent qu’une large partie du gouvernement est impliquée dans la corruption, et 20 % estiment que la majorité l’est.
Le Maroc obtient par ailleurs 43/100 au CPI 2024, confirmant les difficultés en matière d’intégrité publique.
Sans mécanismes efficaces de reddition des comptes, la confiance ne peut être restaurée.
4. Comment sortir de l’impasse ?
Réhabiliter le rôle du parti politique.
Un parti crédible doit être :
● un espace de débat,
● un outil de formation,
● un producteur de programmes,
et un créateur d’élites.
Réformer le système politique.
Cela implique :
● d’interdire le nomadisme politique,
● d’imposer la transparence financière,
● de renforcer l’indépendance des institutions de contrôle,
● d’évaluer les élus sur des critères objectifs.
5. Les institutions marocaines peuvent-elles être fortes malgré tout ?
Oui, à condition que la médiation politique soit réformée.
Le Maroc dispose :
● d’une Constitution moderne,
● d’une administration solide,
● d’un État capable de mener de grands projets.
Mais la force d’une institution dépend de la qualité des acteurs qui l’animent.
Sans partis crédibles, les institutions restent fragiles malgré leur cadre juridique.
Pour conclure, il est à noter que le Maroc peut reconstruire un paysage politique plus sain et des institutions solides, mais cela nécessite un rééquilibrage profond du système politique :
■ plus de transparence,
■ plus de formation,
■ plus de responsabilité,
■ et surtout un renouvellement réel des élites.
Une démocratie sans partis forts est une démocratie amputée.





