
Dans un article publié ce lundi 27 octobre dans le Journal L’Opinione delle Libertà (Italie), sous le titre « Le Plan d’autonomie apprécié de tout le monde », l’expert italien en géopolitique Constantin Pistilli évoque « l’imminence » d’une issue historique pour le conflit régional créé autour du Sahara marocain. « Le conflit autour du Sahara occidental n’a jamais semblé aussi proche d’un tournant historique », écrit-il.
A l’appui de son analyse, M. Pistilli, ancien analyste politique pour les Commissions des affaires étrangères du Parlement italien et du Parlement européen, cite trois récents développements cruciaux. Voici une traduction in extenso de son article.
Par: Constantin Pistilli

Entre l’ouverture inédite de la Russie au plan d’autonomie marocain, la médiation américaine annoncée entre Rabat et Alger et la publication d’un projet de résolution des Nations Unies confirmant la primauté de la solution marocaine, la controverse autour du Sahara occidental n’avait jamais semblé aussi proche d’un tournant historique.
Quelques jours après l’adoption de la nouvelle résolution sur la question, prévue le 31 octobre au Conseil de sécurité des Nations unies, le dossier connaît une accélération sans précédent. Trois développements récents – la déclaration du ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, l’intervention de l’envoyé spécial américain Steve Witkoff et la publication du projet de résolution de l’ONU – marquent un changement stratégique et marquent la reconnaissance croissante du plan d’autonomie comme seule base définitive et réaliste de solution.
Pendant près d’un demi-siècle, la question du Sahara a cristallisé les tensions régionales et bloqué le Maghreb dans une rivalité entre le Maroc et l’Algérie. Mais aujourd’hui, la diplomatie marocaine, patiente et méthodique, semble récolter les fruits d’un long travail de conviction et de construction d’alliances. La déclaration de Lavrov, selon laquelle Moscou est prête à soutenir le plan d’autonomie marocain s’il est accepté par toutes les parties, représente un tournant géopolitique majeur. Elle reflète une nouvelle position de la Fédération de Russie qui, tout en maintenant les liens privilégiés avec Alger, reconnaît implicitement la crédibilité du plan marocain, présenté en 2007 comme solution de compromis, de réalisme et de légitimité.
Le ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita, a confirmé à Moscou que Rabat et la Russie partagent la conviction que le droit international ne doit pas entraver la résolution de la question du Sahara. Un signe de maturité diplomatique des deux côtés. Le plan marocain, en effet, prévoit une large autonomie pour les populations du Sahara, préservant l’intégrité territoriale du Royaume. Depuis lors, il a obtenu le soutien de la majorité des puissances mondiales – des États-Unis à l’Allemagne, de l’Espagne au Royaume-Uni – et de plus de 30 pays africains et arabes qui ont ouvert des consulats à Laâyoune et Dakhla, renforçant ainsi la reconnaissance internationale de la marocanité du Sahara.
La position russe s’inscrit dans un contexte international en mutation. Moscou, isolée de l’Occident, vise à renforcer son influence en Afrique, sans toutefois rompre avec Alger. C’est une finesse diplomatique qui reconnaît au Maroc le rôle de puissance d’équilibre, interlocuteur crédible dans un monde multipolaire où les alliances se redessinent. Pour Rabat, ce glissement représente un pas en avant important, une reconnaissance implicite du sérieux du plan d’autonomie en tant que cadre de solution. Le Maroc apparaît de plus en plus comme un acteur fiable, capable de dialoguer avec Washington, Bruxelles, Pékin et Moscou en même temps.
Le deuxième signal important vient de Washington. Steve Witkoff, envoyé spécial du président américain pour le Moyen-Orient, a révélé dans une interview accordée à l’émission 60 Minutes sur CBS News que son équipe « travaille sur un accord de paix entre le Maroc et l’Algérie ». Une annonce inattendue mais pleine de sens, qui s’inscrit dans la continuité de la politique américaine. Depuis la décision de décembre 2020 de reconnaître la souveraineté du Maroc sur le Sahara, les États-Unis ont maintenu une ligne constante d’appui au plan d’autonomie. L’initiative de Witkoff ne fait que confirmer cette orientation, en ajoutant une nouvelle dimension : celle de la médiation régionale.
La diplomatie américaine reconnaît ainsi le rôle central du Maroc dans la stabilité de l’Afrique du Nord et entend promouvoir une dynamique de désescalade entre Rabat et Alger. Une ligne qui répond aux priorités stratégiques de Washington : stabiliser la rive sud de la Méditerranée, contenir l’influence de Moscou et de Pékin et assurer la sécurité des flux énergétiques vers l’Europe. Les États-Unis voient dans la détente entre les deux pays une occasion de relancer l’intégration régionale et d’ouvrir la voie à des projets économiques partagés : corridors énergétiques, coopération transfrontalière, développement des marchés communs. Dans ce cadre, le Maroc s’affirme comme le moteur naturel de la stabilité régionale. Au contraire, l’Algérie, affaiblie par un système politique rigide et une économie encore dépendante des hydrocarbures, peine à proposer une vision alternative. La diplomatie américaine, pragmatique, préfère donc miser sur la continuité et la crédibilité marocaine.
Le troisième développement, peut-être le plus significatif, est représenté par la publication d’un projet de résolution des Nations unies qui consolide la primauté du plan d’autonomie. Selon les informations disponibles, le texte proposerait d’ouvrir des négociations entre le Maroc, l’Algérie, la Mauritanie et le « polisario », mais exclusivement dans le cadre du plan marocain. Si elle est confirmée, une telle version marquerait un changement radical : la communauté internationale passerait d’une logique de gestion des conflits à une phase concrète de mise en œuvre de la solution.
Un aspect clé du texte serait la réduction du mandat de Minurso à trois mois, jusqu’au 31 janvier 2026, une durée jamais aussi courte depuis 1991. Cet écourtement refléterait la volonté du Conseil de sécurité de mettre fin à un statu quo désormais dépassé et de pousser les parties vers une solution définitive. S’il est adopté, le projet reconnaîtrait officiellement le plan d’autonomie comme la seule base crédible pour résoudre le problème, abandonnant l’illusion d’un référendum irréalisable. La résolution prévoirait également un suivi plus approfondi, avec des rapports réguliers du Secrétaire général toutes les six semaines, signe de la volonté de l’ONU de maintenir une pression constante sur le processus politique.
Au-delà de l’actualité immédiate, les trois signaux – russe, américain et de l’ONU – témoignent de l’ascension d’un Maroc conscient de sa légitimité et confiant en sa diplomatie. Pour la première fois, le plan d’autonomie n’est plus seulement une proposition, mais une norme de référence reconnue. Rabat récolte les fruits de sa stratégie africaine, renforcée par l’ouverture de plus de 30 consulats à Laâyoune et Dakhla et par le soutien croissant des principaux membres permanents du Conseil de sécurité – États-Unis, France et Royaume-Uni – qui reconnaissent aujourd’hui, ouvertement ou en fait, la marocanité du Sahara.





