
Oujda, ville frontalière au passé prestigieux, se réveille une fois encore dans la douleur. Cette nuit, des émeutes ont éclaté dans plusieurs quartiers, causant des dégâts matériels et semant un climat de tension. Pour les habitants, ces scènes ne sont pas une surprise, mais l’expression d’une colère accumulée depuis des années voire des décennies. La cause de cette flambée est claire : une marginalisation profonde et persistante, ressentie comme une injustice par toute une population qui voit sa ville reléguée au second plan du développement national.
Depuis des décennies, Oujda vit avec un sentiment d’abandon. Les infrastructures sont insuffisantes, les services de santé débordés, les écoles surchargées, les autobus dans un état catastrophique (s’il existe un mot plus que catastrophique on l’aurait employé) et le chômage frappe de plein fouet une jeunesse sans perspectives. Les projets structurants annoncés ou lancés n’ont pas eu de continuité. Les habitants pointent la responsabilité des autorités locales et régionales, incapables d’assurer un suivi sérieux. L’écart entre les promesses et la réalité du quotidien nourrit un ressentiment grandissant qui s’exprime aujourd’hui violemment dans la rue.
Pourtant, Oujda avait entrevu un nouvel espoir en 2003, lorsque l’initiative royale lancée par Sa Majesté le Roi Mohammed VI le 18 Mars de la même année avait donné à la ville un souffle inédit. Les avenues avaient été réhabilitées, des zones industrielles lancées, la médina rénovée, le Théâtre Mohammed VI inauguré, la ville avait été reliée au réseau autoroutier marocain et de nouveaux équipements sportifs construits. Pendant un temps, Oujda avait cru à son avenir. Mais faute de suivi et de gestion efficace, cette dynamique s’est essoufflée. Les projets n’ont pas produit les fruits attendus et beaucoup sont restés inachevés ou mal exploités. Ce gâchis alimente aujourd’hui la frustration des habitants, qui voient dans ces investissements manqués une occasion perdue de sortir leur ville de la stagnation.
Les émeutes de cette nuit ne sont donc pas un accident isolé, mais le symptôme d’un malaise profond. Elles traduisent une rupture entre les habitants et les responsables, une fracture territoriale qui s’élargit. La jeunesse, première victime du chômage et de l’absence de perspectives, est au premier rang de cette colère. Sans espaces d’expression, sans structures capables de canaliser leurs aspirations, elle finit par se faire entendre dans la rue, parfois de manière violente.
Ce qui s’est passé cette nuit doit être compris comme un signal d’alerte. Oujda ne réclame pas la charité, mais la dignité et la justice territoriale. Les habitants veulent des infrastructures modernes, un accès équitable à la santé et à l’éducation, des opportunités économiques réelles, et surtout des responsables capables de répondre à leurs attentes. Sans un engagement ferme et durable pour mettre fin à cette marginalisation, la colère continuera de gronder et les émeutes risquent de devenir le langage de ceux qui ne trouvent plus d’écoute.





