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EXCLUSIF. Iliass Aouani et Nadia Battocletti, quand l’Italie court avec le cœur du Maroc

Par: Marco BARATTO

Italie: Marco BARATTO 

L’Italie de l’athlétisme vit une saison qui restera dans l’histoire, et pour en écrire les pages les plus brillantes, deux visages racontent bien le présent et l’avenir de notre pays : Iliass Aouani et Nadia Battocletti. Deux athlètes différents par leur parcours et leurs spécialités, mais unis par des racines marocaines, un lien fort avec la foi musulmane et une capacité rare à représenter une Italie qui change, plus ouverte et multiculturelle, sans rien perdre en fierté et en identité.

Aouani est né à Fquih Ben Salah, au Maroc, mais il est arrivé en Italie enfant, lorsque sa famille a décidé de s’installer à Milan. Élevé dans le quartier populaire de Ponte Lambro, il est l’aîné de cinq enfants, avec deux frères et deux sœurs, et il a appris très tôt le sens des responsabilités. Après le lycée scientifique, il s’était inscrit au Politecnico di Milano, mais le tournant de sa vie est arrivé en 2015, quand il a choisi de partir aux États-Unis. D’abord à la Lamar University de Beaumont, au Texas, puis à la Syracuse University, où il a passé quatre années décisives pour sa croissance académique et sportive. Aux États-Unis, il a obtenu une licence en génie civil et un master en ingénierie des structures, démontrant une rigueur qui ne s’est jamais limitée à la piste. Parallèlement, il a trouvé dans l’athlétisme universitaire américain un contexte compétitif qui lui a permis de mûrir comme athlète, en se mesurant à des adversaires de très haut niveau. De retour en Italie en 2020, il a choisi Ferrare comme base d’entraînement et, depuis, il a construit son parcours de protagoniste des longues distances. Aujourd’hui, il est le nouveau visage du marathon italien, un athlète qui porte en lui le double héritage de ses origines marocaines et de son éducation en Italie. Sa foi musulmane, vécue avec naturel, fait partie intégrante de son quotidien. Même lors des engagements sportifs, il respecte le Ramadan, démontrant que discipline sportive et observance religieuse peuvent coexister sans contradictions.

Différente mais tout aussi fascinante est l’histoire de Nadia Battocletti, née à Cles en 2000 et élevée à Cavareno, dans le Trentin. Fille du marathonien italien Giuliano Battocletti et de l’athlète marocaine du 800 mètres Jawhara Saddougui, elle a respiré dès l’enfance l’atmosphère des pistes et des stades d’entraînement. Guidée par l’expérience de son père et soutenue par l’héritage sportif de sa mère, elle est rapidement devenue l’un des visages les plus aimés de l’athlétisme italien. À seulement vingt-cinq ans, son palmarès est impressionnant : vice-championne olympique du 10 000 mètres à Paris 2024, championne d’Europe du 5 000 et du 10 000 mètres aux championnats d’Europe de Rome, vice-championne du monde à Tokyo 2025. Une carrière déjà jalonnée de résultats qui l’ont placée durablement parmi les meilleures mondiales du demi-fond, avec des marges de progression qui font rêver. Elle aussi, comme Aouani, se déclare musulmane pratiquante, un aspect qui raconte la continuité avec les racines familiales et qui, pour Nadia, ne représente jamais un obstacle, mais plutôt un équilibre intérieur qui l’accompagne dans chaque compétition.

Leurs histoires, mises côte à côte, racontent bien plus que de simples succès sportifs. Elles parlent d’une Italie qui s’enrichit d’identités plurielles, où la rencontre des cultures et la cohabitation des traditions deviennent une ressource. Aouani, arrivé enfant du Maroc, et Battocletti, fille d’un mariage mixte, sont la démonstration concrète que les secondes générations et les familles multiculturelles peuvent offrir au pays de nouveaux citoyens et de nouveaux champions. Leurs médailles ont une valeur qui dépasse le chronomètre et le podium : elles sont les symboles d’une Italie inclusive, capable d’accueillir et de valoriser les talents de toutes origines. Il ne faut pas sous-estimer le rôle de la foi dans la vie des deux athlètes. Tous deux musulmans, ils ont fait de la religion un soutien éthique et mental, plutôt qu’une contrainte. Pour Nadia Aouani, cela signifie gérer les entraînements et les compétitions dans le respect du Ramadan, avec une attention particulière à l’énergie et à la récupération. Pour Nadia Battocletti, la spiritualité est une partie intégrante de sa sérénité, un élément qui contribue à maintenir l’équilibre même dans les phases les plus stressantes de sa carrière. Il y a aussi un message social qui ressort avec force : les succès d’Iliass Aouani et de Nadia Battocletti peuvent devenir un modèle pour de nombreux jeunes qui vivent dans des contextes multiculturels et qui s’interrogent souvent sur leur identité. Voir deux athlètes aux racines marocaines porter fièrement le maillot azzurro et ramener des médailles internationales, c’est offrir un exemple d’intégration qui passe par le sport mais qui a un impact bien plus large.

Sur le plan technique et sportif, les deux représentent également les espoirs de l’avenir de l’athlétisme italien. Iliass a toutes les cartes en main pour ramener notre pays au sommet du marathon, une spécialité qui nous a donné de la gloire dans le passé mais qui attend depuis longtemps un protagoniste stable. Nadia, déjà protagoniste olympique et mondiale, a devant elle une décennie au cours de laquelle elle peut aspirer à devenir la meilleure demi-fondeuse italienne de tous les temps, consolidant un héritage sportif qui semble inscrit dans son destin. Le tableau de médailles qu’ils construisent ne raconte pas seulement des kilomètres parcourus et des temps enregistrés, mais aussi des histoires de familles immigrées, d’études et de sacrifices, de quartiers populaires et de villages de montagne. Il raconte des racines marocaines et une fierté italienne, une Italie qui ne renie rien de son passé mais qui se projette dans l’avenir avec de nouvelles nuances. Les médailles d’Iliassi et de Nadia sont le reflet d’un pays qui change, qui sait unir des cultures différentes et qui trouve dans le sport un langage universel, capable d’abattre les barrières et de construire une identité partagée. Et dans ce climat de fierté mais aussi de fragilité sociale, le message du président de la République Sergio Mattarella résonne fortement, après les insultes racistes adressées à l’équipe nationale de basket-ball. « Misérables actes d’incivilité raciste », a-t-il déclaré, réaffirmant que l’Italie doit rejeter avec fermeté toute discrimination. Les paroles du chef de l’État se lient idéalement aux histoires d’Iliass et de Nadia : deux athlètes qui démontrent, par les faits et par les médailles, que des racines différentes ne divisent pas, mais renforcent l’identité commune.

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