
Par: Zakia Laaroussi

Ce ne sont plus des faits divers. Ce sont des signaux d’alarme. Des femmes agressées en pleine rue, des sacs arrachés à l’arraché, des corps blessés, des esprits fracturés. Et derrière chaque vol, il y a plus qu’un délit : il y a le cri d’une société qui perd pied.
Dans une grande ville marocaine, quatre femmes agressées en quelques heures à peine. L’une d’elles ne perd pas que son sac : elle perd l’usage d’un os, le bassin brisé, et avec lui, la confiance dans l’espace public, la liberté de marcher sans peur.
Oui, les vols existent ailleurs. Mais ici, ce n’est pas le portefeuille qui saigne, c’est l’âme collective. La violence urbaine n’est pas une fatalité. Elle est le produit d’une mécanique sociale qui s’enraye : jeunesse marginalisée, écoles déclassées, centres culturels fermés, discours médiatiques vides de sens.
Des jeunes livrés à eux-mêmes, sans repères ni refuge, grandissent dans le silence des institutions. Ils finissent par crier — par les poings, les lames, ou les actes désespérés. Et nous ? Nous comptons les blessures sans poser les bonnes questions. Pourquoi ces jeunes portent-ils des couteaux et non des stylos ? Pourquoi nos quartiers sont-ils devenus des zones d’oubli ? Pourquoi les politiques publiques se contentent-elles de gérer l’urgence sans prévenir le désespoir ?
Ce n’est pas d’un renfort policier dont nous avons besoin, mais d’un renfort d’écoute, de sens, de perspectives. Il faut rouvrir les maisons de jeunes, rendre sa noblesse à l’école, et offrir à cette jeunesse autre chose que l’exclusion ou la répression.
Un pays digne ne laisse pas ses enfants choisir entre la violence et l’invisibilité. Il tend la main avant que le poing ne frappe. Il construit un avenir avant que le présent n’explose. Le cri du bassin fracturé n’est pas une simple douleur physique.
C’est le son d’un pays qui se fissure dans les os de ses enfants. Écoutons-le. Agissons. Avant que la peur ne devienne notre seule politique de sécurité. Avant que l’orage ne remplace le silence.





