AFFAIRE RAMID-AMEKRAZ. RÉPONSE DU BERGER À LA BERGÈRE

Il est affligeant de constater que certains responsables et non des moindres se représentent le Maroc vivant encore dans la période désuète du moyen âge. Ils en sont encore à une représentation du monde où l’humanité est tout naturellement divisée en dominateurs et dominés, en seigneurs et serfs, ceux qui leurs conditions leur permettent tout ce qu’ils veulent et ceux que leurs conditions les obligent à accepter une vie de servitude.

 

Dans une déclaration faite à un média électronique, en réaction au tollé soulevé par l’affaire de non respect des droits de leurs employés par MM. RAMID et AMEKRAZ, monsieur le président de l’association des barreaux du Maroc, nous gratifie de son opinion dans cette affaire :

 

  • Il n’exclut pas que les deux protagonistes aient failli à certains de leurs devoirs, mais il admet qu’ils auraient aussi accompli beaucoup d’actions positives au profit de leurs employés.

 

Faute de pouvoir, parce que l’infraction à la loi est implicitement reconnue par les mis en causes eux-mêmes, défendre résolument ses anciens confrères, monsieur le président de ladite association quitte volontairement le domaine juridique pour se réfugier dans le vague qu’offre l’émotion suscitée par la charité et la générosité. Il nous glisse subrepticement vers cette dérive émotionnelle qui adoucirait la gravité du mal que M.Ramid à déjà inaugurée. Du domaine du droit positif et de l’intangibilité des droits d’un homme quel qu’il soit, il entraîne le débat vers le principe religieux qui énonce qu’un péché suivi d’une bonne action disparaît sous l’effet de celle-ci. Quelle société construirions-nous en matière des droits humains et de justice si la charité matérielle confère une sainteté à l’individu en dépit de ses manquements au droit et à la justice ?

 

  • Dans sa posture de fausse neutralité et obéissant à un brusque élan de justice, il n’a pas hésité à faire usage de la langue de bois en invitant les lésés à recourir aux tribunaux pour faire rétablir leurs droits.

Sur ce point, je me contenterai, en guise de réponse à ce cher maître, de relater juste la conclusion qui me paraît plus éloquente que le meilleur discours que le meilleur érudit puisse faire, d’une discussion que j’ai eue fort récemment avec un employé qui gère une petite agence d’une assurance fort connue sur la place à Salé. Parce que je n’étais pas satisfait de sa réponse, je lui ai suggéré de faire remonter mes critiques à ses supérieurs. En insistant sur son rôle d’interface entre sa direction et les clients. Sa réponse, qui aurait pu aussi être celle des secrétaires des cabinets d’avocats lésé(e)s par leurs patrons, était catégorique, formelle, indiscutable, sans la moindre hésitation, tranchée et surtout elle m’en a bouché plus d’un coin. Elle était simple mais oh combien expressive de la mentalité qui prédomine parmi nos concitoyens. Sa réponse fut succincte, cependant relevant de l’aphorisme : « et le lendemain je serais dans la rue sans travail », m’a-t-il dit.

Si je pouvais me départir de mon idéalisme obsessionnel, je lui donnerais certainement raison. Mais je préfère continuer, tête baissée, dans mes « illusions » que souvent on me reproche, mais auxquelles je crois obstinément et surtout en leur concrétisation sûre et certaine. L’espoir fait vivre et l’action le réalisera à coup sûr.

 

  • Monsieur le président de l’association des barreaux du Maroc, semble s’être sérieusement penché sur la situation de ces secrétaires d’avocats et il nous livre ce qu’il considère comme étant la vraie question qui devrait nous préoccuper tous autant que nous sommes. Selon lui le débat qui agite l’opinion publique en ce moment devrait en réalité porter sur la menace qui guette sérieusement cette catégorie d’employé(e)s. Il s’agirait tout bonnement de la fatale disparition de l’emploi de secrétaire d’avocat sous l’effet du progrès vertigineux de l’informatique qui les rend inutiles. Alors en oracle, il énonce son verdict : « où ses secrétaires iraient elles (ils) travailler ? ».

 

Seigneur ! Inconscience ou mépris, ignorance ou défiance envers son propre pays qui serait irrémédiablement condamné à végéter dans un état d’arriération indépassable, inéluctable et où le droit est assimilé aux faveurs et l’exploitation du faible par le puissant un ordre et une condition naturels. En termes religieux je dirais une « fitra » qui fonde l’équilibre du monde.

Tant que le droit est défendu par des hommes de loi qui portent la robe sans la vocation, que la médecine est exercée par des praticiens reniant le serment d’Hippocrate et que l’enseignement est pratiqué pour le gain matériel et sans le moindre souci de l’éducation des générations futures, il en résultera malheureusement un ordre social où la responsabilité ne sera que défense des intérêts individuels et catégoriels et où le citoyen n’accordera des droits qu’aux puissants. Un tel constat ne conduirait qu’à voir l’horizon confuse et le défaitisme comme seule et unique issue. Tout espoir subsistant prendrait les contours de l’attente d’une clémence divine. La fatalité s’installera et règnera en maître absolu. Pour conjurer les situations difficiles et combattre l’injustice il ne resterait que l’imploration de la sollicitude divine, sans pour autant penser à demander ses droits à ses semblables. Que Dieu nous en préserve !

B