Par: Aziz Daouda
Pendant sa campagne le Président Trump a été reçu par Joe ROGAN à son fameux Podcast, aujourd’hui plus puissant que beaucoup de médias classiques réunis. C’est là que Mr. Trump s’est le plus lâché et c’est là qu’il faut aller pour cerner sa politique projetée tant en interne que pour l’extérieur.
Trump a dit en substance, à cette occasion: « Je serais dictateur une journée et le reste du temps, je serai démocrate ». Entendez par là, qu’une fois installé au bureau de 75.8 m2, face à la roseraie de la Maison Blanche, il signera beaucoup de «Presidental Orders». Il est coutumier du fait. Il en avait signé 53 en 10 mois lors du premier mandat.
Les Presidential Orders sont les décrets qu’un président américain peut prendre sans en référer au Congrès. La procédure quoique ne figurant pas dans la constitution a toujours été utilisée. Georges Washington, déjà en 1793, y a eu recours pour s’imposer la neutralité dans le conflit qui opposait France et Angleterre. C’est sous Franklin en 1862 que la procédure semble s’être invitée de façon pérenne dans les usages. Franklin D. Roosevelt est le président qui en détient le record puisqu’il en signera 3700. Cela n’a pas trop dérangé les américains qui faisaient alors confiance à leur président pour les sortir de la crise et préserver le pays de la faillite. Plus près de nous, Georges W. Bush en signera 291. Le Congrès reste tout de même maître de la situation dès lors qu’il s’agit de financement et donc de budget. Pour Trump, cela ne posera pas de problèmes. Ses fidèles sont bien majoritaires dans les deux chambres et ne lui opposeront à priori aucune difficulté.
Le 20 janvier, il va montrer son dévouement aux USA et concrétiser ne serait-ce qu’en partie ses engagements, en signant une multitude de documents de tous ordres. Certains vont toucher les gens dans leur portemonnaie dès le lendemain. Il offrira aux collaborateurs réunis autour de lui comme un véritable capitaine d’équipe, des stylos à encre de marque prestigieuse. La dernière fois, il y avait autant de stylos que d’actes signés.
Trump a signifié qu’il entendait mettre fins aux guerres et n’entendait pas en mener ou laisser se produire de nouvelles. Il dira également en substance vouloir réduire certaines factures de l’Etat dont celles de l’armée. Il sait pertinemment que les grands empires ont tous quasiment chuté dès lors que leurs dépenses militaires avaient dépassé l’entendement. Pour lui, le pays dépense trop en guerre et en armée. Pèsera-t-il vraiment devant la puissance du Pentagone et ses raisons occultes.
Fort du raz- de- marée en sa faveur lors des récentes élections, il entend user de cet atout majeur et influer rapidement sur le cours des choses. Dans son approche économique, il cherchera prioritairement à réduire le déficit de la balance commerciale. Les américains sont déficitaires avec toutes les grandes économies du monde : 275 milliards US vis-à-vis de la Chine, 152 avec le Mexique, 72 avec le Japon etc. Un déficit énorme et plutôt malsain. Rien qu’en alcool et spiritueux, le déficit est de 15 milliards.
Il veut également reprendre la main sur la production des hydrocarbures et favorisera outrageusement l’exploitation des schistes bitumineux. Les accords de Paris, il s’en balance. Il entend revigorer certaines industries dont celles de l’automobile naguère fleuron de l’économie américaine. Pour cela, il aura besoin de main-d’œuvre, de plus en plus rare aux USA. S’il est apparemment contre l’immigration, il a tout de même une solution. En somme, il ne veut plus de passagers clandestins, d’intrus de hasard ou ceux de la fameuse loterie. Il préconise une immigration basée sur les compétences en fonction des besoins du pays.
Le président est convaincu que c’est la voie pour concrétiser son fameux « America first ».
Il ne veut plus mettre le nez dans les affaires des autres pays mais va cependant impacter indirectement leurs politiques économiques par la mise en place de taxes douanières plutôt élevées sur les importations. Et il est plutôt sélectif. Il vise la Chine en premier puisqu’il projette de lui appliquer un taux de 60%. Le Mexique en fera drôlement les frais par ailleurs. Un taux de 200% serait appliqué aux voitures électriques qu’il exporte vers les USA. Le voisin latino a favorisé sur son sol l’implantation d’entreprises chinoises fabriquant des voitures électriques. Ces voitures sont ensuite introduites aux USA dans le cadre des accords de l’ALENA, signés en 1994 avec le Canada et le Mexique. Pour le reste du monde selon le client, les taux seraient de 10 à 20%.
Une autre disposition risque aussi de perturber le cours des choses : la taxe douanière d’un taux de 100% qu’il veut imposer aux importations provenant des pays qui n’utilisent pas le dollar dans les transactions internationales. Le BRIX est directement visé.
Si Trump dit ne pas vouloir de guerre nouvelle, voilà qu’il risque d’en déclarer une bien bonne à beaucoup de monde en même temps. Une guerre tous azimuts. Le très sérieux Centre d’Etudes Prospectives d’Informations Internationales estime par exemple que ces mesures, risqueraient de provoquer un repli du PIB mondial de l’ordre de 0.5%. Ce n’est point négligeable au regard des taux réalisés dans la quasi-totalité des pays sauf cas exceptionnels. Les pays qui exportent vers les USA se trouveraient ainsi impactés.
En apparence, ces mesures vont permettre de relocaliser aux USA certains secteurs productifs mais avec quels travailleurs alors qu’il entend en parallèle expulser près de 13 millions de personnes que lui et ses adeptes jugent de trop sur le sol américain. Cependant expulser n’est pas chose aisée et risque d’être très coûteux à l’Etat dont il prétend défendre les deniers. Cette opération coûterait quelque 315 milliards US au contribuable américain. En fait, ce qu’il économiserait ou prendrait d’une main, sera perdu de l’autre.
Reste aussi à savoir quelle sera la réaction de la ménagère américaine. Si en grande majorité elle a sanctionné les démocrates pour l’inflation, toutes les mesures plus haut mentionnées et d’autres encore proposées sont génératrices de cherté de la vie. L’américain moyen qui s’est habitué à payer une chemise made in China à 15 USD risque de devoir la payer plus de 20… et ce n’est pas pour cela qu’il a voté Trump.
En tous cas, les deux mois qui nous séparent de l’investiture du 47è président des USA ne vont pas être de tout repos pour le monde entier. Les économistes et les politiques sont à pied d’œuvre calculette à la main. Les uns comme les autres. Nul doute que certains ne soient déjà en train de préparer la parade aux dispositions projetées. Les USA ne sont plus ce qu’ils étaient il y a encore quinze ou vingt ans. Ils ont beaucoup perdu de leur superbe et de leur hégémonisme économique et Trump risque bien de l’apprendre à ses dépens, ou pas d’ailleurs. Il signera tout de même de sa main un paquet de Presidential Orders le 20 Janvier 2005, tout en savourant son grand triomphe tel un empereur romain.