Par Mustapha Ghazlani*
Si j’enveloppe un monument, un pont, un bâtiment ou une île, c’est pour le rendre plus grand, mais pas que, c’est pour montrer que personne ne peut se le procurer, disait Mr. Javacheff Christo.
Alors, que veux dire Mr. Bachir Amal quand il a enveloppé une paire de lunettes !?
Devant une œuvre d’art on ne doit pas trop prêter attention à l’intention de l’artiste, à sa dialectique au moment de la réalisation, seul le résultat mérite le «voir». Emballer un objet, une paire de lunettes en l’occurrence, en préservant sa forme dans son intégrité, ne garantit en rien son identité. Ainsi, l’objet n’est plus un adjuvent pour mieux voir, mais un appel pour le «voir», seulement pas en tant qu’il est. Dès lors, la chose devient élément majeur dans le processus de la réalisation de l’objet artistique et non pas un prétexte ou un medium.
L’objet que nous propose l’artiste Amal Bachir, nous réclame le droit de «voir».
Voir c’est avoir à distance, comme disait le grand Mérleau -Ponty. En effet, c’est cet «avoir à distance» dont la chose nous a procuré dans sa vie antérieure, pour que nous puissions mieux voir le monde, que l’objet de Bachir nous adjure maintenant, là. Alors, prenons une chaise, asseyons-nous un instant pour voir ce que «ça».
L’artiste pose devant nous cette forme, mini sculpture, enveloppée dans un papier cuirassé de calligraphie qui délaisse le sens aux profits de l’interprétation libre … «Pas tout œil voit», nous informe l’artiste. Fermons les yeux donc, sur le résidu: Ce sont des lunettes.. Ce ne sont pas des lunettes.. Ce sont des non-lunettes… C’est une autre forme de la forme…une autre manière de présenter le monde qui compromette un autre point de voir le monde. La vérité réside dans l’œil qui voit, disait le philosophe.
*Artiste plasticien – écrivain