Les confinés du monde moderne continuent, autant que faire se peut, à gérer une situation à laquelle ils ne sont aucunement habitués, ni bien préparés. Un bon exercice dirait l’autre ! Ils attendent de nouvelles consignes de la part des responsables et suivent le décompte des morts et des contaminés de leur pays et du monde. Les déconfinés, eux, n’en peuvent plus tout simplement. Les causes sont multiples: psychologiques, sociales, économiques ou encore éducatives.
La grande panique n’a pas encore cessé d’attraper le monde, les gens essayent de la contourner en recréant de nouveaux espaces, qui respectent le principe de distanciation sociale: les réunions vidéos sur net et les concerts des balcons comme ce fut le cas en Italie, puis en Espagne et en France… beaucoup de pays suivent, chacun conformément à sa culture et la dimension sociale des agglomérations. Les psychologues, sur les plateaux de radios et de télévision, invitent les gens à saisir l’occasion pour redécouvrir d’autres méthodes de vivre et d’assurer la jouissance personnelle et collective. L’on se rappelle soudain que la vie peut également être simple et modeste sans exagérations luxueuses et ostentatoires.
Le retour à soi, à la famille, à la lecture et à toutes ces bonnes habitudes du chez-soi fait oublier, le temps du Corona, les rencontres physiques, les gaspillages inutiles dans les grandes surfaces et le temps dilapidé à ne rien faire du tout … une autre vie est possible. L’après-Corona ne serait pas comme avant, l’histoire nous avait toujours appris que les choses changeaient après les grandes crises, sinon totalement, du moins partiellement. Le changement toucherait les habitudes et certaines traditions régissant la vie des gens dans les détails de leur vie quotidienne, à l’instar des modes de salutations et même des échanges communicationnels plutôt sereins. La vie tourne au rythme du ralenti et de l’accalmie. Jean de La Fontaine avait raison : Rien ne sert de courir, il faut partir à point !
En tant que redécouverte de soi, le confinement pourrait entraîner un retour vers un équilibre entre l’homme et son entourage aussi bien social que naturel. La machine qui provoque tout ce désordre dans la vie des gens et cause souvent des fissures et des ruptures dans l’évolution historique des structures sociales de pays, n’entend naturellement pas abandonner son avancée ni ses désastres. Elle entend bien achever ce qui semble être son message essentiel: Produire plus, dénaturer plus et détruire plus.
Certes, les antagonismes ne sont pas à enterrer, constituant une loi durable régissant l’évolution. Les projets de vie continueront à se disputer l’espace public, sous ses différentes facettes, politique, culture, idéologies, économie et mode de vie social. Mais, une chose est sûre, le Covid-19 est une opportunité inespérée pour ne plus s’enfermer dans les choix vendus à longueur de plateaux télévisuels par l’armada intellectuelle de l’establishment. Il est donc possible d’être novateur et de penser à de nouveaux sentiers à emprunter. Des sentiers jusqu’ici inexplorés.
Si ce n’en est le résultat, le Coronavirus intervient alors que le monde vit au rythme d’une concurrence effrénée, en vue de s’assurer la domination. La crise actuelle n’irait certainement pas jusqu’à faire changer d’avis aux décideurs, et ne les pousserait pas à remettre en question le mode de production suivi actuellement, puisqu’à la faveur de la communication médiatisée, ils sont en train de préparer leur survie à la crise et leur consécration en tant qu’héros de la crise… Bien plus, le capitalisme, comme mode de production ayant pu contourner d’autres crises dans le passé, se penche sur les moyens grâce auxquels il compte s’adapter à cette nouvelle situation. En tout état de cause, il a pris l’habitude de bien revenir en arrière, pour ensuite, prendre l’élan et mieux sauter, sévir et dévorer, et personne ne peut prédire pour l’instant jusqu’à quand il peut réussir encore.
Mais, rien n’empêche de juger la vulnérabilité de ce mode d’organisation social global. La crème du monde occidental en souffre devant un virus invisible, mais pas inouï, ni imprévisible comme on ne cesse de le faire comprendre dans les plateaux de télévision chaque soir. Si l’humanité a pu assister au Sida, au Sras 1 et à Ebola… qu’est-ce qui a fait que les maîtres du monde n’ont pas bougé pour préparer un remède à leur peuple… à l’humanité.
En effet, il serait difficile d’aborder toute cette catastrophe mondiale, sans passer en revue les choix politiques, économiques et sociaux ; car, si pour l’instant, le monde admet une pandémie hors de causalité humaine, l’on ne peut que rappeler que l’ampleur de cette dernière n’est pas sans lien avec les dispositions médicales et sociales de chaque pays à part, mais aussi avec les relations internationales souvent ankylosées, sans coopération ni coordination aucune. Elle n’est pas non plus sans lien avec le rapport science/politique/éthique.
Si l’on garde que l’image de deux professeurs médecins français s’exprimant sur les antennes de la chaîne de télévision française TF1, et appelant à prendre les citoyens africains comme cobayes, pour l’essai d’un traitement contre le Covid-19, c’est déjà significatif, mais aussi révélateur de ce qu’on aurait fait, dans le passé, contre les gens et les richesses de ce continent.
Ces mêmes choix politiques et économiques avaient aussi rendu beaucoup de pays vulnérables, à cause d’une adoption de politiques dictées par les grandes institutions financières internationales, telles que le FMI et la banque mondiale. Ces politiques accordent une grande priorité aux secteurs macro-économiques et remettent au second, sinon au dernier plan, les secteurs sociaux, relevant des structures microéconomiques. Si l’on focalise sur les cas du Maroc et de l’Argentine, à titre d’exemple, l’on reviendrait au début des années 80 du siècle passé, lorsque les institutions financières internationales avaient recommandé à Rabat et à Buenos Aires d’adopter un Programme d’Ajustement Structurel, supposé être une démarche de sortie de crise, et qui stipule la réduction des dépenses sociales et le déclenchement d’un processus de libéralisation et de privatisation, l’objectif étant de pouvoir s’acquitter de leurs dettes. Aujourd’hui, les conséquences sociales fâcheuses de ce processus sont remarquables sur le plan de la santé publique, dont on a le plus besoin en ces moments de pandémie.
D’ailleurs, au fur et à mesure que le Covid-19 sévit, il dévoile aussi la nature de ses victimes, qui sont généralement des pauvres citoyens, sans protection sociale solide, mais aussi qui habitent des quartiers populaires urbains, souvent sous-médicalisés. Ainsi, à New York, comme dans plusieurs villes américaines et européennes, le mode d’habitat, la couverture sociale, la stabilité du revenu, ainsi que la nature du système éducatif ont été des facteurs capitaux qui décident de ces profils qui ont même une marque spéciale aux Etats-Unis, à savoir leur couleur noire !