L’armée russe et son homologue algérienne ont entamé, le 15 novembre 2022, leurs premiers exercices militaires « Bouclier du désert » dans la région de Béchar, à quelques encablures de la frontière Est du Maroc. Fait curieux, la propagande algérienne habituée à médiatiser les démonstrations de l’ANP n’a diffusé aucune image desdits exercices, les premiers à être organisés en Algérie, qui plus est à proximité de la frontière marocaine.
Un silence qui cache d’autres visées que celles déclarées dans un précédent communiqué du département russe des Affaires étrangères, soit la « lutte antiterroriste ». On aurait compris si lesdits exercices se déroulaient à la frontière sud de l’Algérie avec le Mali, épicentre de la nébuleuse terroriste, ou même à la frontière est de l’Algérie avec la Libye, voire la Tunisie, côté djebel Chambi, près de Kasserine, dans l’ouest de ce pays, ventre mou du Maghreb.
Organiser de tels exercices à Béchar revendrait à faire croire que l’Algérie serait visée par une « menace terroriste » depuis sa frontière ouest avec le Maroc. Or, exception faite des escarmouches de la milice séparatiste à la solde de la junte algérienne, jamais cette frontière commune n’a fait l’objet de telles menaces.
Cela reviendrait aussi à cacher le rôle interlope de la junte algérienne, dont les connexions avec la nébuleuse terroriste s’activant dans la région sahélo-saharienne n’est plus à démontrer. L’ « État islamique au Grand Sahara » (EIGS, fondé par un ex-élément du « polisario », Adnan Abou Walid-al-Sahraoui, est un produit pur jus des services algériens, autant que le sont les émirs qui se sont succédé à la tête d’Al-Qaïda au Maghreb islamique, AQMI, dont le dernier est l’Algérien Abou Oubaïda Youssef al-Annabi.
Le Maroc est-il visé par les manoeuvres russo-algériennes?
Les exercices interviennent dans un contexte de tensions entre l’Algérie et le Maroc, d’un côté, et la Russie et l’Occident de l’autre, du fait de l’invasion par l’armée russe de l’Ukraine depuis février 2022. Vu le lieu choisi pour de tels exercices, Béchar, il est clair que le Maroc est visé par de tels exercices.
La Russie, dont les relations avec le Maroc sont plutôt « bonnes », est engagée dans une lutte d’influence avec l’Occident et l’Afrique est le nouveau terrain de jeu de cette bataille. Moscou cherche à tout prix à se positionner en Afrique et sait pertinemment que le Maroc est la carte maîtresse pour son positionnement dans le continent noir. Les exercices organisés à Béchar pourraient être interprétées comme une tentative de « pression » sur le Maroc, même si Moscou a formellement démenti toute visée hostile au Maroc.
Sauf que ni le timing ni le contexte ne semblent se prêter à ce jeu. Militairement, la Russie est engluée dans le bourbier ukrainien et ce n’est pas demain la veille qu’elle en sortira. D’ailleurs, elle vient d’essuyer un cinglant revers militaire et politique en se retirant, le 10 novembre, de la région ukrainienne stratégique de Kherson. Les exercices militaires de Béchar s’avèrent donc sans enjeu, si ce n’est celui cette cagnotte alléchante de 11 milliards de dollars que le chef d’état-major de l’ANP, Saïd Chengriha, s’apprêterait à débourser à Moscou, en échange des Soukhoï Su-57, un avion de combat polyvalent de « cinquième génération ».
Mais Alger, visiblement enhardie par les retombées sonnantes et trébuchantes de la crise énergétique mondiale, ne semble pas prendre au sérieux les mises en garde de l’Occident, à leur tête les États-Unis d’Amérique.