La caravane des « littératures itinérantes » pose ses valises à Jnan Sbil, à Fès

C’est grâce à la ténacité d’une équipe qui a bien cru à ce nouveau concept qu’on peut qualifier d’activiste dans l’âme. Nadia Essalmi, locomotive de cet événement, n’a jamais baissé les bras. Elle a le don d’aller jusqu’au bout de son rêve sans céder à la tentation de faire marche arrière. Inviter une quarantaine d’écrivain.e.s tout en respectant la parité homme/femme pour les confronter à un public dans un laps de temps qui se résume en une journée, est une prouesse qui mérite tous les éloges. 

Le livre est loin d’être un objet attrayant, c’est une triste réalité et un constat partagé à l’unanimité. Mais la question qui se pose, comment pouvons-nous – en ce temps-là – faire valoir le livre en lui restituant ses lettres de noblesses ? 

Le livre doit être un objet du désir. Ce dernier ne peut devenir une réalité que par le déploiement d’une action originelle qui nécessite de l’imagination ainsi qu’une vraie volonté de sortir ce précieux objet des oubliettes. Les idées ne manquent pas – comme disait l’adage – mais avoir une idée qui sort du lot de cette machine infernale des idées avortées le jour de leur naissance, elle n’est pas à la portée de tout le monde. C’est pour cela que l’originalité de l’événement « Les Littératures itinérantes » repose sur son action directe. En une journée, on ouvre la porte de la rencontre avec des écrivain.e.s dans une ambiance festive où ce public qui a oublié la pratique d’aller vers le livre est invité à mettre la main dans la main du créateur du mot. Les écrivain.e.s sont là prêt.e.s à dédicacer les livre et à surfer sur les mouvements de la nouvelle vague des selfies et des stories. Tout le monde est satisfait, les auteurs, les autrices et ce public qu’on a taxé de boudeur des livres. Devant ce résultat, il faudrait désormais renoncer à la chaise vide dans un monde où d’autres médiums pratiquent une culture qui lutte contre la bonne intelligence. 

En parlant de la bonne intelligence, deux tables rondes ont été organisées dans la matinée en français et en arabe autour de la thématique du festival « d’une culture à l’autre ».  Plusieurs interveneant.e.s  ont soulevé des questions épineuses par rapport à la question de l’autre. La culture conjuguée au pluriel est le fruit de toute une histoire d’incompréhension et de conflit. Mais les écrivain.e.s sont là pour élucider l’opacité génératrice des doutes et favorisant l’installation de l’incertitude alors que la culture nous appartient à toutes et à tous. Chacun apporte sa contribution et personne ne peut la nier. Les voix de Christiane Taubira, de Abdelfattah Kilito, de Youssef Zeidan, de Fouad Laroui, de Véronique Tadjo, d’Ivan Jablonka, de Zayneb Laouedj, de Najwan Darwich et de Abdelaziz Baraka Sakin ont résonné avec une même mélodie ponctuée par l’esprit d’ouverture et du vivre ensemble. 

Ce festival si court et si pertinent par son impact sur l’engouement d’un public qu’on a cru disparaître. A Jnan Sbil, ce jardin mythique de la ville de Fès, sera marqué à jamais par le retour des amoureux des livres. La Caravane des Littératures Itinérantes doit faire le tour du Maroc pour planter des niches de résistance et crier haut et fort le besoin de lire.