Omar EL MRABET*
Le mouvement féministe a pris à nouveau les rues d’Espagne mardi soir, après la pause due à la pandémie de Covid-19 en 2021, pour célébrer son événement le plus revendicatif et festif de l’année. Cependant, les mobilisations du 8 mars ont été brouillées pour deux raisons : la division au sein du mouvement et la tentative du parti Podemos, allié des socialistes au gouvernement, de redéfinir les marches pour en faire des manifestations contre la guerre en Ukraine.
Après une mobilisation sans précédente depuis 2018, c’est cette utilisation partisane qui met une fois de plus le mouvement féministe dans une situation inconfortable. Le ministère de l’égalité, dirigé par Irene Montero, de Podemos, a demandé que les marches de la Journée internationale de la femme soient transformées en une manifestation « Non à la guerre ».
Une proclamation « pacifiste » que Podemos ne lance pas seulement contre le conflit armé entre la Russie et l’Ukraine, mais qu’il utilise aussi pour attaquer le chef du gouvernement, Pedro Sanchez, et le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE), pour avoir envoyé des armes en Ukraine et pour remettre en question la gestion diplomatique de l’Union européenne et de l’OTAN avant et pendant le conflit.
La première réaction du mouvement féministe a été de dénoncer « la manipulation d’Irene Montero pour pervertir la manifestation du 8-M », rendant invisible la cause des femmes et leurs revendications pour une égalité réelle et effective.
Une critique qui, sur un autre ton et d’une autre manière, a également été formulée par le gouvernement lui-même. La porte-parole de l’exécutif de coalition, Isabel Rodriguez, a rejeté l’idée que le 8-M perde « le sens qu’il a toujours eu ».
Outre le volet politique des mobilisations lié à la crise russo-ukrainienne, la célébration de cette Journée a montré, de manière palpable, une division inédite au sein du mouvement féministe. Pour la première fois, à Madrid et dans une vingtaine de villes espagnoles, il y a eu deux manifestations distinctes.
Dans la capitale, où se déroulent les principaux événements, deux cortèges se sont mis en marche scandant des slogans différents pour défendre la même cause.
La Commission 8-M a organisé la principale manifestation de référence et la plus fréquentée, où ont été présents les ministres du PSOE et de Unidas Podemos, ainsi que des délégations de partis comme le Parti populaire (PP), Ciudadanos ou Más País ou de syndicats et autres groupes.
A quelques mètres de la première manifestation, une autre marche a été initiée par le Mouvement Féministe de Madrid, qui justifie sa mobilisation unilatérale par des divergences « politiques et d’agenda avec la Commission 8-M et le Ministère d’Irene Montero ».
Les causes de cette division peuvent être résumées en deux. L’une est l’agenda politique de Montero pour l’application des théories liées à l’autodétermination du genre.
Cette règle a donné lieu à une confrontation féroce entre le féminisme dit classique -plus aligné sur le PSOE- et le nouveau féminisme -plus proche de Podemos-, et a amené des femmes qui ont été des références historiques du PSOE à prendre leurs distances avec la ligne de leur parti.
La deuxième question qui fracture le féminisme est celle de la prostitution : réglementation ou interdiction ? Le débat est très complexe et il n’y a pas de consensus au sein du mouvement, ni au sein des partis. Toutefois, il y a des groupes qui prennent une position claire, comme le PSOE, en exigeant des politiques abolitionnistes.
La célébration cette année de la Journée internationale de la femme en Espagne n’a fait qu’exacerber la division du mouvement féministe lançant une bataille qui ne fait que commencer.
Journaliste MAP