Douze ans après le message historique que le roi Mohammed VI avait adressé aux participants des assises du sport, ses propos fermes et directs continuent de résonner dans les esprits et demeurent toujours d’actualité. Comme à son habitude, le Souverain a été on ne peut plus pragmatique et franc en dressant un bilan sombre du sport national.
Sombre, c’est peu dire quand on répertorie les mots que le roi avait employés dans ce message magistral à tous les niveaux. Dès le début, le Souverain a sonné le glas avec des mots très durs à l’encontre de la gestion et des gestionnaires du sport: pourrissement, intrus, fâcheux, triste, carences, mercantile, décevant et la liste n’est pas exhaustive.
Le roi avait fait une analyse au scanner de l’état déplorable de notre sport sous toutes ses coutures en pointant du doigts les dirigeants : «Parmi les manifestations les plus criantes de ces dysfonctionnements dans le paysage sportif, l’on observe que le sport est en train de s’enliser dans l’improvisation et le pourrissement, et qu’il est soumis par des intrus à une exploitation honteuse pour des raisons bassement mercantilistes ou égoïstes».
La messe est dite. Car si le sport national enregistre des «résultats aussi maigres que décevants», c’est parce que des intrus mus par des desseins mercantiles, politiques ou autres ont travesti toutes les disciplines y compris le football, sport le plus populaire. Le fil conducteur de ce message royal était la mauvaise gestion et les mauvais gestionnaires qui s’accaparent les fédérations et les clubs non pour le bien du sport mais pour leurs biens personnels dans le sens propre du terme.
Autant dire que les dirigeants sont les premiers responsables de la décadence de notre sport: «Nonobstant la multitude des défaillances qui y ont conduit, la situation inquiétante que connaît notre sport national est imputable à des carences majeures qui exigent une révision du mode de gouvernance en vigueur actuellement, dans la gestion des fédérations et des clubs». La sentence royale tombe comme un couperet sur ces apprentis gestionnaires qui s’accrochent à leurs fauteuils savourant les privilèges et tuant les disciplines.
Le roi a été on ne peut plus clair envers ces dirigeants à vie qui bravent toutes les lois et autres convenances : «A ces carences, s’ajoutent, évidemment, l’immobilisme qui caractérise certaines organisations sportives et la fréquence, faible ou quasiment nulle, du renouvellement de leurs instances dirigeantes. En fait, les problèmes d’alternance se réduisent, le plus souvent, à des considérations ou des différends personnels ou catégoriels étriqués». D’où la nécessité, poursuit le souverain, d’instaurer des «mécanismes appropriés de contrôle, d’audit et de reddition des comptes» et de mettre «à niveau des organisations sportives dans la perspective de leur professionnalisation, ainsi que la démocratisation des instances chargées de leur gestion».
Douze ans après ce message historique, il faut convenir qu’à part le grand bond fait dans les infrastructures sportives, la démocratisation des instances n’a pas évolué, la gestion des fédérations et des clubs demeure embryonnaire, le renouvellement des dirigeants n’a pas eu lieu et par ricochet les résultats n’ont pas suivi. Les mêmes cadors continuent de sévir à la tête des fédérations depuis des années : Fayçal Laraichi (FRMT), Kamal Lahlou (FRMH), Abdeslam Ahizoune (FRMA), Mohamed Belmahi (FRMC) et Abdeljaouad Belhaj (FRMB). Et la liste n’est pas exhaustive. Le professionnalisme est loin d’être établi car la plupart des fédérations et des clubs rechignent à appliquer des textes de la loi relative à l’éducation physique et aux sports. Du coup, la gestion de ces instances sportives demeure à l’état embryonnaire avec une tenue de comptabilité inexacte, de faux bilans et autant de gabegies et de malversations.
C’est dire que l’audit et la reddition des comptes pratiqués ici et là demeurent tout aussi aléatoires. Finalement, le professionnalisme que l’on évoque à jet continu n’a pas pu se calquer sur des fédérations et des clubs minés par les virus de l’improvisation, de l’incompétence et l’égocentrisme de leurs dirigeants.
Le roi Mohammed VI, qui avait à maintes reprises révoqué des ministres et de haut responsables pour des négligences et des dysfonctionnements dans la gestion de plusieurs chantiers, n’a pas laissé l’occasion des assises du sport pour mettre en garde contre la rhétorique qui n’est pas suivie par l’action : «Il ne s’agit pas non plus de déployer des trésors de rhétorique pour gloser sur une réforme théorique qui conduirait inéluctablement à tomber dans le piège contre lequel nous n’avons cessé de mettre en garde, en l’occurrence un cercle vicieux qui consiste à changer le changement et à réformer la réforme». Force est de constater que nos décideurs n’ont pas appris la leçon et même pas «changé le changement ou réformer la réforme» car ils ont continué à verser dans leur immobilisme morbide. Le résultat ? faites le compte des médailles et des coupes remportées par le Maroc.