UKRAINE, QUAND LES ARTISTES MONTENT AU FRONT

Il est frappant de constater que les personnalités ukrainiennes du monde de l’art et de la culture, du sport voire du show-biz, sont les premiers à répondre à l’appel du président Volodomyr Zelensky, lui-même artiste, pour prendre les armes contre l’envahisseur russe. Le baryton Yuriy Yurchuk, pour ne pas parler seulement de l’ex-miss Ukraine, Anastasiia Lenna, offre ici un joli exemple de ce que doit et peut faire un artiste en temps de guerre. « Je suis un chanteur d’opéra mais je suis déterminé à combattre Poutine et à défendre mon pays – je ferai tout ce que je peux », a assuré le chanteur d’opéra.

Cette position remet sur le tapis la question de savoir si l’artiste doit combattre la tyrannie par son art ou par les armes. Elle remet à l’esprit une polémique datant de la deuxième Guerre mondiale entre les poètes René Char et Louis Aragon.

 

 

 

 

« En temps de guerre, faut-il prendre la plume ou les armes? »

L’étincelle qui a mis le feu aux poudres de cette polémique passionnée et passionnante a été la parution, en 1942, du recueil « Les Yeux d’Elsa », de Louis Aragon. René Char, lui, s’est refusé à publier pendant l’occupation nazie, estimant qu’au moment où la liberté est en danger, il faut prendre plutôt les armes. Une position que le poète de l’action, -il assume bel et bien son nom: René: « Renaissance » et Char « Le mouvement »-, a traduite sur le terrain en rejoignant, en 1943, le maquis pour défendre la liberté contre les troupes nazies qui marchaient sur Paris.

René Char, alias Capitaine Alexandre dans la Résistance, s’insurge contre son collègue Aragon, accusé de manquer à l’appel des armes pour défendre la liberté, en publiant un recueil qui se voulait une ode a la femme aimée, Elsa Triolet.

Du fond du maquis de Céreste (1943-1944), où il révèle de remarquables qualités de meneur d’hommes, René Char a écrit l’un de ses plus beaux recueils « Feuillets d’Hypnos » mais -chose promise, chose due-, ce dernier n’a été publié qu’à la fin de la guerre, en 1946.

Cet épisode de l’histoire littéraire réinterroge l’essence même du rôle de l’intellectuel, qui s’est couché devant la poussée rampante du fast-thinking, ou du prêt-à-penser.

Dans le vide intellectuel ambiant, l’initiative des artistes ukrainiens doit interpeller les (défunts) intellectuels et les exhorter à reprendre les devants de la scène pour remplir le rôle qui est le leur dans la défense des valeurs humanistes.