La création d’une zone militaire à la frontière-Est du Maroc semble avoir pris de court le commun des observateurs. La question à se poser est plutôt de savoir pourquoi le Maroc a attendu longtemps avant de franchir le pas et créer cette zone militaire à sa frontière avec l’Algérie, sachant que le mal vient souvent de ce pays.
C’est la question que leCollimateur.ma a posé à un vétéran de la guerre du Sahara. « Les Forces armées royales ont toujours été présentes à la frontière-Est avec l’Algérie, et cette présence s’est renforcée nettement au tout début des années 90 », précise-t-il d’emblée. Il en veut pour exemple et preuve l’existence d’une base militaire aérienne à Bouarfa, entre autres infrastructures militaires, sans compter le déploiement du matériel militaire lourd, renforcé par l’arrivée des Chars Abrams nouvellement acquis auprès des États-Unis d’Amérique.
Il faut rappeler aussi que les FAR ont l’habitude d’organiser, dans la région d’Errachidia, des manoeuvres aéro-terrestres nommées « Tafilalet », où elle avaient coutume de déployer du matériel lourd, aussi bien terrestre qu’aérien.
C’est un secret de polichinelle: La Grande muette marocaine, à l’opposé de sa voisine algérienne habituée aux démonstrations de « fArce » à la frontière terrestre avec le Maroc (Oran, Tindouf, Colomb Béchar) a toujours cultivé le mystère sur ses stratégies militaires, aussi bien en achat d’armement qu’en termes de préparation au combat.
En mai 2021, le projet de construction d’une caserne militaire dans la province de Jérada annoncé dans le Bulletin officiel avait suscité un grand boucan à l’autre bout de la frontière tant et si bien que le président Tebboune s’était lui-même manifesté pour dénoncer ce qu’il avait soupçonné, du haut de cette théorie conspirationniste chère à la junte militaire, « un acte hostile » envers l’Algérie. Il a oublié à l’insu de son gré que l’armée algérienne avait implanté plusieurs bases militaires à quelques encablures de sa frontière ouest avec le Maroc.
Premier élément de réponse à la question de mise en place d’une zone militaire Est, -dont le commandement a été confié au Général de division Mohammed Mikdad-, il a été apporté dans le dernier numéro de la revue des FAR. « La création de cette zone militaire Est a pour objectif d’assurer la cohérence du commandement, du contrôle et du soutien des composantes terrestres, aériennes et maritimes des FAR », et leur donner « plus de souplesse et de liberté d’action nécessaires à l’accomplissement des différentes missions », explique la même source.
Les raisons (cachées) de la création de la zone militaire-Est
La création de la zone militaire Est interpelle par son timing et son contexte. Il faut préciser que cette initiative intervient après la rupture par Alger, le 22 août 2021, de ses relations diplomatiques avec le Maroc. Alger ne s’est toutefois pas arrêtée à ce stade de la rupture, elle a enchaîné menaces et provocations envers le Maroc, au point d’avoir risqué « un casus belli » en accusant le Maroc d’être à l’origine du « bombardement » de camionneurs algériens un certain 1er novembre 2021 dans la localité marocaine de Bir Lahlou « avec une arme sophistiquée » (Ndlr: drone), avait-elle alléguée, sans toutefois apporter la moindre preuve de cette allégation.
8 mois plus tôt, cette fois à l’est du Maroc, au niveau d’El Arja, 4 kilomètres de Figuig, l’armée algérienne s’était livrée à un acte d’intimidation dangereux envers la population locale, sous prétexte que les fermes de palmiers situées dans cette localité étaient plantées « en territoire algérien ».
Face à ce cycle de provocations, il était évident que l’armée marocaine donne la réplique en créant la zone militaire-Est, et assurer une coordination avec la zone sud, via l’état-major général des FAR.
Autre raison de cette initiative, elle est propre à la situation interne même de l’Algérie. Le spectre d’une implosion n’a jamais été aussi sérieux, et le scénario d’une Syrie Bis en Afrique du Nord fait craindre le pire. Autant dire que le Maroc était dans l’obligation de se préparer à l’éventualité d’un exode massif de réfugiés algériens vers sa frontière orientale, si jamais la junte au pouvoir perdait le contrôle de la situation.
Une éventualité étayée par la persévérance de la junte militaire dans sa répression du Hirak du peuple algérien, qui célèbre aujourd’hui son troisième anniversaire et dont la principale revendication est l’instauration d’un État réellement civil et démocratique.