L’expérience de la pandémie qu’on a nommée vulgairement La COVID-19, nous a renseigné sur notre vulnérabilité et elle a rétabli un autre ordre du monde où l’homme est déplacé loin du centre de cet univers. L’humanité tout entière est invitée à comprendre ce qui se passe sans arriver à une certitude qui peut aboutir à voir le bout du tunnel.
Fallait-il vivre ce moment pour se rendre compte que notre arrogance a sa limite. Qui peut écrire l’histoire du monde d’une façon autre et inscrire l’éphémère au cœur de la gloire de l’homme qu’on n’a pas cessé de vénérer.
Construire des panthéons pour glorifier la mémoire de ces femmes et de ces hommes qui ont affronté le monde avec le courage d’un esprit libre, n’a pas anéanti l’idée d’une condition humaine qui ressemble à une impasse. Le crépuscule des idoles annoncé – il y a une éternité -par Friedrich Nietzsche a donné lieu à la naissance d’une catégorie humaine qui a voulu gouverner le monde à sa guise. Une modernité sans principe, sans respect d’une vie harmonieuse et de cohabitation avec les éléments de la terre. Cette attitude grotesque de scier la branche sur laquelle on est assis a pris la forme d’un drame à venir. On a oublié qu’on est des habitants temporaires de ce monde. Le temps est compté pour nous et on doit laisser cette maison indemne pour la génération future. Rien n’arrête nos ambitions de dominer le monde et de domestiquer même le vent pour qu’il obéisse à notre tempérament. On a omis la leçon de Gilgamesh, le roi qui ne voulait pas mourir. Celui qu’on a présenté au début de l’épopée comme :
« Celui qui a tout vu,
Connu la terre entière, pénétré toutes choses.
Et partout exploré tout ce qui est caché !
Surdoué de sagesse, il a tout embrassé du regard:
Il a contemplé les Secrets. Découvert les Mystères ;
Il nous en a même appris sur avant le Déluge !
Retour de son lointain voyage, exténué, mais apaisé,
Il a gravé sur une stèle tous ses labeurs ! », Tablette I, 1–10 (trad. Jean Bottéro, L’épopée de Gilgamesh, le grand homme qui ne voulait pas mourir, 1996)
Celui qui a tout vu, a abandonné l’homme supérieur pour s’incliner devant ce vaste monde qui nous apprendra à rejoindre le chemin de la modestie. Porter un regard apaisant sur le monde. Gilgamesh a renoncé à l’éternité, en acceptant l’éphémère comme un don servi généreusement par la main du temps.
Nous avons le droit de transmettre cet esprit humble aux générations futures afin d’éviter les écueils d’une expérience renouvelée par erreur. Nous devons reconstruire ce que nous avons détruit pour être à la hauteur de notre humanité dont on a fait notre marque d’existence.