Coronavirus et le sport: le temps du recul et de la réflexion

La pause-coronavirus contraignante devrait, en principe, pousser les décideurs dans les fédérations et les clubs à prendre le temps du recul et de la réflexion pour se pencher sur le devenir du sport. Une réflexion qui doit se baser sur un diagnostic méticuleux d’un sport malade pour inventorier les maux qui le rongent depuis des décennies afin de lui trouver un remède de choc. Car l’expérience nous a montré que la politique des petits pas n’a fait que compliquer les choses notamment en matière de gouvernance, de gouvernants et de gouvernés.

La loi 30.09 relative à l’éducation physique et aux sport a été promulguée le 24 août 2010 (dahir 1-10-150), son décret d’application (2-10-628) le 4 novembre 2011 mais son application demeure chancelante malgré quelques avancées. Ladite loi stipule que «toute association sportive disposant d’une section sportive, dont plus de 50% des licenciés majeurs sont professionnels, doit créer une société sportive et en demeurer associée en vue d’assurer la gestion de ladite section».

Or jusqu’à maintenant, la plupart des clubs sont gérés avec un amateurisme déconcertant selon le statut d’associations sportives des années 50. Le football qui est le sport le plus populaire et le mieux loti en moyens financiers et en infrastructures demeure géré par un « professionnalisme » d’amateurs où seule une petite poignée d’équipes s’est transformée en société anonyme.

Ne parlons pas des autres disciplines qui demeurent à l’état embryonnaire de la gestion que ce soit au sein des fédérations ou dans les clubs. Les dirigeants des clubs de football rechignent à dépasser cette barre car la société anonyme exige la transparence dans les comptes. Une transformation qui leur fait peur car ils se sont habitués à concocter des rapports financiers bidon qui sont approuvés dans des assemblées générales houleuses qui se transforment souvent en invectives, voire en bagarre générale.

Si en matière d’infrastructures sportives, notamment en stades de football de haut niveau et des terrains de proximité, le Maroc a fait un grand bond en avant, il est clair que c’est au niveau de la gouvernance que ça bloque. On manque terriblement de gestionnaires à la tête des clubs dits professionnels dont les dirigeants sont élus avec une poignée d’adhérents dans des foires d’empoigne. Il est complètement aberrant que des dirigeants des grands clubs comme le WAC et le Raja qui peuvent réunir dans un stade des dizaines de milliers de spectateurs, soient élus avec une centaine d’adhérents.

C’est ce qui explique l’instabilité à la direction des clubs tellement les adhérents sont volatiles et influençables. Il ne faut pas, donc, s’étonner outre mesure que les résultats ne suivent pas même si par intermittences des clubs de football se distinguent dans les compétitions africaines.

Quant à l’équipe nationale de football, il faut revenir des décennies en arrière pour trouver son premier et dernier sacre dans la Coupe d’Afrique de 1976. Depuis, la sélection nationale a été éliminée à maintes reprises de la Coupe d’Afrique et de la Coupe du monde. Mise à part la belle de prestation dans la Coupe du monde du Mexique en 1986, quand elle s’est qualifiée au deuxième tour, l’équipe nationale n’a fait que de la figuration quand il lui arrivait d’être qualifiée.

Ce qui va pour le football s’applique à l’athlétisme qui malgré les moyens financiers dont il dispose n’a pas cessé de dégringoler à l’échelle internationale. On est très loin des performances de Nawal dans les JO de 1984, des chevauchées fantastiques d’Aouita et d’El Guerrouj et des autres médaillés des JO et des championnats du monde.

Le Maroc, qui était une puissance en athlétisme depuis la médaille d’argent d’Abdeslam Radi dans les JO de Rome en 1960, n’est plus que l’ombre de lui-même. Aujourd’hui, seul Soufiane El Bakkali arrive à concurrencer les grands d’athlétisme et notamment les Kenyans et les Ethiopiens sur leur terrain de prédilection du 3000 mètres steeple.

Quant aux autres disciplines collectives et individuelles, il leur arrive souvent de ne même pas pouvoir se mesurer à leurs homologues maghrébins. La plus grande entrave au développement de notre sport réside dans les compétences de gestion des dirigeants de fédérations et de clubs tant au niveau de la gestion financière que des ressources humaines (joueurs et techniciens).

Autant dire que c’est par là que le traitement de choc de notre sport doit commencer en espérant que les textes de la loi 30/09 soient tous appliqués sur le terrain.