L’Istiqlal fait partie de la majorité gouvernementale mais certains de ses parlementaires se comportent comme s’ils étaient dans l’opposition. Une situation qui agace, non seulement, le patron du parti, Nizar Baraka, mais elle commence à déranger le chef du gouvernement Aziz Akhannouch.
D’autant plus que cette « fronde », déguisée en soutien critique, est menée par deux « grandes gueules » de l’Istiqlal, en l’occurrence Noureddine Moudiane et Abdeslam Lebbar. Qui plus est, sont présidents des groupes parlementaires de l’Istiqlal dans les deux chambres du Parlement.
Lors de la discussion du projet de loi de Finances (PLF), les deux mastodontes n’ont pas hésité à émettre des critiques et à étaler sur la place des dossiers chauds dans les domaines socio-économiques, voire politiques. Noureddine Moudiane, natif de Beni Amar dans la province d’El Hoceima, est un vieux routier qui entame son sixième mandat consécutif en tant que député.
Ce professeur de criminologie est un poids lourd qui se comporte comme un électron libre pour dire ce qu’il pense même si cela ne plaît pas à ses pairs. Lors de la discussion du PLF, il n’a pas hésité à sortir des terroirs de l’opposition des dossiers chauds tels le hirak du Rif, les enseignants contractuels et l’équité territoriale.
Une liberté de ton qui n’a ni plu ni à Nizar Baraka, ni au chef du gouvernement. Mais Moudiane n’en a cure répétant à qui veut l’entendre qu’il a été élu pour défendre les intérêts des citoyens et que cela ne change en rien ses convictions qu’il soit dans la majorité parlementaire ou dans le gouvernement.
Le bouillonnant député istiqlalien aurait, même, confié à ses collègues du groupe parlementaire qu’il a fait savoir à Aziz Akhannouch qu’il ne changera pas d’attitude au sein du parlement. Mieux encore, il leur a conseillé de faire comme lui en prenant la liberté d’exprimer leurs opinions lors de la discussion du PLF à la chambre des représentants.
Il est vrai que c’est un trait de caractère de Moudiane mais cette attitude intraitable pourrait être l’expression de l’existence de divergences au sein du parti. Son alter ego à la chambre des conseillers, Abdeslam Lebbar, n’a rien à lui envoyer en matière de fougue, de fugue partisane et d’audace syndicaliste.
Il a, lui aussi, fait une intervention remarquée en s’adressant à la ministre de l’Économie et des finances, Nadia Fettah Alaoui, pour lui dire: « Les Marocains attendent de ce gouvernement un réel changement afin de restaurer la confiance dans la politique. Qu’avons-nous fait, madame la ministre, pour arrêter la hausse des prix ?… être dans la majorité exige qu’on dévoile les faits et les problèmes.. ».
Une liberté de ton qui étonne de la part d’un député de la majorité et qui, curieusement, a été reprise en bonne place par le journal du parti « L’opinion ». C’est à croire que c’est une stratégie bien réfléchie par les pontes de l’Istiqlal que d’avoir des ministres dans le gouvernement et des opposants dans le parlement.
Un jeu dangereux qui risque de dynamiter la coalition tripartie du gouvernement si les deux poids lourds de de l’Istiqlal continuent à faire de la résistance. Le chef du gouvernement Aziz Akhannouch a essayé de colmater les brèches en réunissant les chefs des partis de la majorité pour les inciter à accorder leurs violons mais à l’évidence cette réunion n’a pas donné les résultats escomptés.
Tous les espoirs sont, aujourd’hui, placés sur la signature d’une charte de la majorité sur laquelle planchent les trois chefs des partis de la coalition gouvernementale.