« L’écriture ne soulage guère. Elle retrace, elle délimite. Elle introduit un soupçon de cohérence, l’idée d’un réalisme » Michel Houellebecq
L’écriture ne nous sauve pas de nos démons !
Nous ne l’avons pas choisie par hasard, c’est le destin de ceux qui portent l’enfer du questionnement au fin fond de leur âme. Quand Œdipe a choisi d’éteindre la lumière de ses yeux afin de continuer à marcher avec incertitude sur la terre ténébreuse de la vie, c’est parce que la lumière n’est que chimère. A quoi sert la lumière quand elle devient synonyme de l’aveuglement et source d’un drame aussi tragique que celui d’Œdipe ?
L’écriture est l’affrontement avec le néant, ce gouffre sans nom, l’abri de l’absence. Il faudrait démystifier cette image aussi grotesque de l’écrivain comme une entité forte. Ce statut d’écrivain ressemble à l’éventail qu’on a planté en plein champs de l’univers pour chasser les oiseaux affamés et préserver la récolte à venir. L’écrivain n’est pas né pour nous rassurer. Toutefois, il invite le danger dans nos maisons en bousculant toutes les certitudes. Œdipe l’aveugle est le produit d’une vie absurde pleine de mystère qui nous renseigne sur ce foyer troublant de la quiétude que la vie reconnaîtra comme l’enfant perdu à jamais.
Quand on écrit, on ouvre la porte close du silence dont personne n’a détecté la présence imperceptible dans nos vies respectives. Le monde prend vie, respire et marche comme un vieil homme troublé par le passage des années. L’écriture n’a pas d’âge. Son visage n’est pas marqué par les années car les mots tissés par les écrivains portent le parfum de l’éden de l’éternité et le cri assourdissant de l’enfer de Dante. Comment ne pas succomber au charme discret de l’errance. Car cette vie fixe les lieux et les gens comme des repères d’une monotonie accablante.
L’écriture attrape ceux ou celles qui portent les stigmates d’une douleur atroce et intemporelle, d’une blessure inguérissable et d’une obsession sans fin vouée à une quête incessante du sens. Écrire, c’est dépasser les limites de la parole. C’est aussi la résistance pacifique contre la bêtise humaine, un appel à l’intelligence et à une sensibilité à fleur de peau. Ce métier du solitaire est le fruit d’une pensée et d’une écoute profonde de ce qui se trame dans nos vies. Nommer les choses, en multipliant leur sens, est le rôle de l’écrivain. Ce dernier nous invite à vivre autrement, en goûtant les fruits défendus par des lois obscures.
L’écriture vit « sans toi, ni loi », libre et libératrice. Elle accueille dans son royaume les écorchés vifs, ceux qui portent une autre lumière et dont les yeux sont éteints. Bref, ceux qui nous montrent le chemin du salut.