Le timing a de quoi éveiller les soupçons. Le 5 octobre 2021, « sur décision des autorités marocaines compétentes, les vols directs entre la Russie et le Maroc ont été suspendus« , s’est exclamé l’ambassadeur de Moscou à Rabat, Valerian Vladimirovich Shuvaev, sur son compte Tweeter.
Des bruits de couloir ont attribué la décision marocaine à la situation pandémique en Russie. Ces dernières semaines, la Russie a en effet enchaîné les tristes records quotidiens: 31.299 cas de contamination et 986 décès, selon les dernières statistiques dévoilées par le gouvernement russe.
Seulement voilà, ce n’est pas de cet oeil que cela semble être vu. Une semaine après la décision des autorités marocaines, l’ambassade de Moscou au Caire s’est manifestée pour annoncer avoir saisi le secrétaire général de la Ligue des États arabes afin de demander le report de la 6ème édition du Forum de coopération russo-arabe prévu, figurez-vous, le 28 octobre au Maroc. Le motif invoqué par la chancellerie russe est peu convaincant: « Un changement dans l’agenda du ministre des Affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov« !!!
Le silence officiel observé de part et d’autre continue de nourrir les spéculations, dont la dernière ébruitée par un confrère français a été le « départ » de l’ambassadeur russe Valerian Vladimirovich Shuvaev.
Mais que s’est-il donc passé pour que les relations entre Rabat et Moscou en arrivent à ce stade-là?
Maroc-Russie, les raisons d’une crise silencieuse
Il est vrai que, sur la question du Sahara, la position russe est pro-algérienne. C’est même un secret de polichinelle. Et pour cause, l’Algérie est, de loin, le plus gros débouché de l’industrie militaire russe en Afrique. Selon l’institut d’études stratégiques de Stockholm, Sipri, l’Algérie achète à la Russie plus que tous les autres États africains réunis !
On comprendrait aisément pourquoi la Russie penche du côté d’Alger, sa position étant motivée essentiellement par ses intérêts sonnants et trébuchants; dit autrement, cette position n’a jamais été une « question de principe » pour Moscou, ni d’ailleurs pour l’Espagne, l’Allemagne ou encore la France.
Mais voilà, la Russie a franchi la ligne rouge dressée par le Maroc, en remettant dernièrement sur la table l’option éculée, impraticable de l’aveu même de l’ONU, du « référendum d’autodétermination« .
Le 11 juin dernier, évoquant la reconnaissance par les USA de la souveraineté du Maroc sur son Sahara, la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, a tenu des propos pour le moins inappropriés. « Nous avons déjà commenté cette décision de l’administration américaine. Nous parlons de la déclaration du ministère russe des Affaires étrangères, en date du 12 décembre 2020. Nous avons considéré la décision de l’administration américaine comme portant atteinte au cadre juridique international généralement reconnu pour le règlement du dossier du Sahara Occidental, qui prévoit la détermination du statut final de ce territoire par le biais d’un référendum sous les auspices de l’ONU. Je ne peux que réaffirmer cette approche. C’est pertinent« , a-t-elle indiqué.
Vous avez bien lu: La Russie se fait encore l’avocat du « référendum » même si cette option a été enterrée depuis belle lurette par le Conseil de sécurité, instance décisionnelle de l’ONU.
Quand l’armée secrète de Poutine s’invite dans le chaudron malien, avec la complicité des généraux algériens
Autre facteur de cette crise larvée avec le Maroc, l’entrée en scène de la Russie en tant qu’acteur dans la scène malienne. Alors que la France a annoncé l’été dernier la réduction de sa présence militaire au Mali, les autorités maliennes, sous la pression des généraux algériens, étaient sur le point de signer un accord avec le groupe paramilitaire russe Wagner. Le Mali confirme alors « des pourparlers en cours ». Des informations non confirmées indiquent que ces miliciens russes, appartenant à une société privée mais proches du Kremlin, se trouvaient déjà au Mali.
L’éventuel recours à la sulfureuse société russe pourrait déboucher sur le déploiement d’un millier de mercenaires au Mali. Une éventualité qui, si jamais elle se confirme, conduira, inéluctablement, à un scénario syrien Bis dans la région sahélo-saharienne, devenue déjà une base de repli de l’organisation terroriste de Daech, pour ne pas parler d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), produit pur jus du DRS-DSS algérien.
Ces développements, ajoutés à l’attitude hostile de surcroît aventureuse du régime militaire algérien, sont porteurs de risques de déflagration pour une région devenue le théâtre des nouveaux enjeux géopolitiques internationaux.