Il est très difficile de s’adresser à soi-même car c’est un exercice très difficile et qui recèle énormément d’écueils. Quand les années passent, on se rend compte qu’on a manqué ce rendez-vous qui doit se faire comme un rituel permanent. Adonis, le poète syrien, dans un poème bouleversant écrit en 1958, s’est adressé à cet enfant qu’il était. Au fil de la lecture, les mots qui relèvent de l’étrangeté s’installent petit à petit en dressant un mur gigantesque et les distances s’accumulent pour faire jaillir à la fin cette question fatale adressée à l’enfant: « Dites-moi, qu’est-ce qui nous réunit encore en ce moment et qu’est-ce qu’on va se dire ?
Il est de l’ordre d’un drame sans nom de découvrir que vous avez enterré une partie de vous-même. Vous avez vendu votre âme et vous avez perdu cet éclat des yeux qui ne brillent plus de bonté et de joie de vivre. Malheureusement la vie n’est pas si commode tant que la vérité est considérée comme une priorité de ceux qui veulent gouverner le monde. On a oublié la leçon du poète soufi Djalâl ad-Dîn Rûmi où il dit que « La vérité est un miroir tombé de la main de Dieu et qui s’est brisé. Chacun en ramasse un fragment et dit que toute la vérité s’y trouve ». On a fait de nous une certitude et on a fermé la porte du dialogue.
Revenir à soi est un saut dans le vide. Un écran sur lequel se défile l’image d’un Don Quichotte qui se bat avec les moulins à vent, d’un Othello plein d’amertume où les ténèbres voilent le visage de la lune, d’un Kagemusha, l’ombre d’un guerrier ou d’un homme sans qualité faisant face à un mode sourd et muet.
Y a-t-il une vérité à étaler sur la place publique du soi. Dire les mots qui se sont transformés en pierres et lever le rideau sur le fantôme de l’opéra avec qui vous avez signé ce pacte nocturne d’épouser l’ombre du silence. Que dire en ce moment où la recherche du temps perdu n’est plus un roman à lire. Fallait-il attraper le temps pour se retrouver au bout du tunnel, essoufflé et plein de doutes et de certitudes.
Ce combat intérieur est loin d’être un sport national car on cherche à fuir le questionnement sur soi-même et sur l’autre, de se remettre en cause et d’arrêter de considérer l’autre comme source de tous les malheurs. Cela implique une prise de conscience du malaise que nous vivons et que nous devons affronter avec la certitude qu’il y a une solution favorisant l’apaisement du soi et de l’autre.
Beaucoup de chemin à parcourir mais la persévérance est la clef de voûte du retour à soi.