À l’instar des autres genres artistiques, la danse contemporaine au Maroc est loin d’être soutenue comme une discipline artistique. Il faudrait admettre qu’elle est mal vue car la danse est associée au corps. Ce dernier quand il est animé par ce mouvement qu’on appelle la danse, il brouille les pistes et fait trembler le regard. Le corps devient électrique. Alors, il faut arrêter ce corps libre qui tente de briser les chaînes invisibles d’une loi archaïque. Ce corps doit rester obéissant.
La danse n’est pratiquée – ouvertement- que dans des lieux intimistes comme les fêtes et les mariages. Nos danses ancestrales restent loin d’être considérées comme un patrimoine vivant. C’est vrai que le Festival National des Arts Populaires est un moment solennel où l’appel de la mémoire est bien visible pour les Marocains. Néanmoins, ça reste insuffisant vu la richesse de ce patrimoine qui n’a pas trouvé une place considérable dans la politique culturelle de ce pays. Mais la danse contemporaine a été prise en charge par des jeunes danseurs qui ont bien compris que cette mission n’est pas une chose facile. Surtout que l’histoire de cette danse a débuté par le retour de Lahcen Zinoun en 1976. La déception a été au rendez-vous et il a fallu que ce danseur étoile fasse le deuil de son rêve qui consiste à mettre en place tout un travail autour de ce nouvel art qui vient de débarquer au Maroc.
Au début des années 2000, l’émergence de la Compagnie Anania – première compagnie de danse contemporaine fondée au Maroc- suite à l’initiative de Taoufiq Izzediou et Bouchra Ouizguen. Deux jeunes danseurs qui ont pris le flambeau dont le but de promouvoir la danse contemporaine au Maroc.
Après plusieurs formations, des résidences artistiques au sein de l’institut français de Marrakech et une participation active aux festivals de danse hors nos frontières, nos jeunes danseurs vont passer au stade de la création tout en mobilisant des jeunes de la ville ocre autour de cette expérience mal aimée.
Il a fallu tout un travail titanesque dans un contexte très difficile où le soutien des instances compétentes dans le domaine culturel est quasiment absent. Plusieurs solos de danse ont vu le jour pour assurer une bonne visibilité à cette dynamique artistique. Mais la création d’un festival est devenue une idée obsédante. « On marche« , est le festival par excellence qui a fait découvrir beaucoup de jeunes marocains qui ont pris le train en marche. Un rendez-vous qui s’est articulé autour de la découverte des créations contemporaines hors du Maroc, l’organisation des ateliers, des formations et des moments d’échange. Des performances ont été proposées sur la place publique afin de sensibiliser un public plus large sur ce genre artistique mal compris.
Ce mouvement s’est enrichi par d’autres expériences menées par des danseurs et chorégraphes comme Khalid Ben Ghrib qui a trouvé dans notre patrimoine musical, en l’occurrence la musique gnaoua, le creuset de ces créations présentées au Maroc et ailleurs. La création de l’Espace Darja à Casablanca par Meryem Jazouli, chorégraphe et danseuse. Un lieu où elle a entrepris un travail énorme en termes de formations de jeunes et de créations en favorisant une bonne mobilité des artistes via des résidences d’artiste.
La Compagnie Col’jam créée par Ahlam Morsli, danseuse et chorégraphe, est une militante dans ce domaine. Dotée d’un parcours très particulier, elle s’est consacrée entièrement à la danse en produisant plusieurs spectacles chorégraphiques ainsi que la création des Rencontres Chorégraphiques de Casablanca, un évènement qui s’est ajouté aux autres actions visant à inscrire la danse contemporaine dans l’ADN du paysage culturel marocain. D’autres artistes dont je n’ai pas eu l’occasion d’évoquer restent des éléments importants dans ce processus de l’instauration d’un tel art au sein de la cité.
La danse contemporaine a beaucoup de chemin à parcourir au Maroc car elle doit être soutenue par un accompagnement sérieux et un vrai engagement des secteurs censés prêter main forte à cet art si fragile.