Alliance des économistes istiqlaliens: 5 propositions pour « sortir le pays de la crise actuelle »

La planification et la mise en œuvre de certains changements retenus par la Commission spéciale pour le Modèle de développement sont urgentes pour amorcer une relance responsable et inclusive, particulièrement au niveau régional. Cinq séries de priorités sont ainsi proposées par l’Alliance des Economiste Istiqlaliens.

1-Assurer les conditions de réussite de la protection sociale généralisée

Il s’agit de mettre en place les conditions de réussite du grand chantier Royal visant à assurer la protection sociale pour l’ensemble des marocains à l’horizon 2025. Ainsi, la couverture médicale ne pourra être efficiente que si des soins de qualité sont accessibles à tous sur l’ensemble du territoire dans le cadre d’une vérité des prix et sans exiger de paiement des soins à l’avance aux familles vulnérables et celles de la classe moyenne.

Ainsi, ce chantier exige la mise en place d’une carte sanitaire, d’une politique juste et équilibrée des prix des soins et l’instauration du tiers-payant. Il nécessite également la disponibilité d’établissements de santé équipés et surtout la formation de personnel soignant en nombre suffisant ; soit le doublement voire le triplement des capacités nationales de formation des médecins, des infirmiers et des aides-soignants et l’amélioration de leurs conditions de travail.

2-Accélérer la généralisation d’un préscolaire de qualité

La généralisation d’une éducation préscolaire de qualité est la première des priorités en matière d’éducation. Sa mise en œuvre doit également être portée par les Régions et les collectivités territoriales. Elle doit bénéficier à tous les enfants durant les 2 années précédant le cycle primaire.

L’étude du HCP, à l’instar d’autres études internationales, a prouvé que les enfants ayant bénéficié de l’éducation préscolaire sont capables de poursuivre leurs études pour une durée moyenne de 4 années de plus que ceux qui en ont été privés. La généralisation d’un préscolaire de qualité, préparera les futurs citoyens de 2035 à acquérir les compétences et les habiletés nécessaires à leur insertion sociale et leur épanouissement dans le Maroc émergent, visé par le NMD.

3-Rentabiliser les efforts réalisés en infrastructures, Stimuler l’entrepreneuriat et Accélérer le développement du tissu productif en y investissant une partie conséquente de l’investissement public.

L’AEI considère que la libération des énergies, et la création massive d’emplois, passent par la réalisation d’un véritable « choc entrepreneurial compétitif » dans notre Pays.

Cette inflexion nécessite:

(1) un positionnement technologique clair et perçu de tous ;

(2) l’investissement conséquent dans des programmes de recherche ;

(3) la publication de textes juridiques simples et accessibles ;

(4) des codes d’investissement et de fiscalité tenant compte des spécificités régionales et territoriales ;

(5) des procédures légères et dématérialisées ;

(6) un mécanisme d’accompagnement de proximité aux entrepreneurs, auprès des CRI ;

(7) des zones d’activité, proches des bassins d’emploi, équipées et connectées aux réseaux de transport, d’énergie et de communication ; et bien sûr,

(8) un financement approprié.

Pour ce dernier, l’AEI recommande de réorienter une partie substantielle de l’investissement public vers des activités directement productives.

Ainsi, nous préconisons d’allouer, directement ou indirectement, 20 à 25% de l’investissement public global, soit 40 à 50 milliards de Dirhams par an, et sur les 5 prochaines années, au développement des capacités productives du pays, notamment pour la création et le développement des TPE, des PME et des startups, qui constituent le plus fort gisement d’emplois, dans le cadre d’écosystèmes régionaux dans notre pays.

Ce financement peut prendre la forme de subventions, de prises participations directes ou indirectes, complétées par des prêts obligataires ou bancaires garantis. L’accompagnement de ces structures à travers des véhicules tels que le Fonds Mohammed VI ou les grandes entreprises peut faire émerger et croitre des écosystèmes performants, innovants et compétitifs.

 4-Atténuer les inégalités sociales et territoriales et promouvoir la classe moyenne

Veiller, d’urgence, à réduire les inégalité sociales et spatiales qui ont atteint un niveau devenant insoutenable, notamment dans le monde rural. Il s’agit particulièrement de rétablir et de renforcer le pouvoir d’achat des classes moyennes et vulnérables. Celui-ci a été fortement érodé par une décennie de politiques ultra-libérales, accentuées par la crise issue de la COVID 19 qui a basculé plus d’un million de nos concitoyens dans la pauvreté.

Il s’agit particulièrement:

1) d’améliorer le revenu des ménages et de réduire la pression fiscale sur les revenus bas et intermédiaires.

(2) d’accélérer la généralisation de la protection sociale globale effective ;

(3) d’améliorer l’accès au logement ;

(4) de réduire le coût et de renforcer la qualité des services publics tels que la santé, l’éducation et le transport

(5) de permettre l’accès de larges pans de la population à la culture, au sport et aux loisirs.

Ces mesures amélioreront les conditions de vie des ménages marocains et renforceront la demande intérieure, principal moteur de croissance et de souveraineté économiques de notre pays.

Dans ce cadre, l’AEI appelle à déployer des stratégies intégrées et à orienter les efforts publics en faveur d’un rattrapage accéléré du développement des Régions les plus défavorisées, et plus particulièrement des zones frontalières, montagneuses et oasiennes et de réduire ainsi les fortes inégalités dont elles pâtissent.

 5- Une Gouvernance économique pour replacer le Pays sur des sentiers de croissance durable et responsable:

La plupart des stratégies sectorielles étant arrivées à échéance, il s’agit de s’atteler, au plus vite, à l’évaluation desdites stratégies et à la mise en œuvre de plans d’action, nationaux et régionaux, des secteurs et branches constituant les moteurs de relance et de croissance de l’économie pour les toutes prochaines années. Ces plans doivent être immédiatement accompagnés de programmes de formation sur mesure en termes de métiers et de compétences. Les entreprises viables, particulièrement les PME, anciennes ou nouvelles, bénéficieront de l’appui public (échéancier fiscal et social, renflouement des capitaux permanents…) à travers des contrats de croissance individuels, suivis par une task-force multisectorielle régionalisée, dédiée à cet effet.

Cette task-force doit s’appuyer, dans ses démarches, sur le « défenseur de l’entreprise », rattaché au chef du gouvernement, qu’il convient d’actionner au plus vite pour « débloquer d’éventuelles situations liées à des lenteurs ou des abus administratifs causant un préjudice économique significatif ».

Enfin, et compte tenu des ressources limitées de notre pays pour les prochaines années, nous n’avons droit ni au saupoudrage, ni à la perte de temps. Il est donc nécessaire de faire des choix courageux de nos premières priorités sectorielles et territoriales. L’annonce de ces choix et surtout leur prise en charge par la Loi de Finance 2022 donnerait plus de visibilité et plus de confiance aux opérateurs et aux citoyennes et citoyens marocains.