« Quand on aime la vie, on va au cinéma », cette fameuse phrase est devenue à une époque l’emblème de plusieurs générations où la salle obscure est ce faisceau lumineux qui transporte le spectateur dans un monde onirique. Une deuxième vie, une autre histoire est proposée à ce désireux des plaisirs de l’image. Un lieu de rêverie intense, de voyage et de perte joyeuse dans les méandres d’un univers imaginaire.
On a construit des lieux qui ressemblent à des temples pour accueillir cette armée de l’ombre qui se bouscule aux portes des guichets pour acquérir son pass d’entrée au paradis. Ce n’est pas par un pur hasard que le titre du film du réalisateur italien Giuseppe Tornatore s’est inscrit ainsi : « Cinéma Paradiso ». Une prouesse cinématographique teintée d’une nostalgie exquise, pleine de moments d’une intensité de sentiments humains qui nous parlent.
Les titres des films m’ont toujours fait voyager avant de m’embarquer dans les plus lointains recoins de cet imaginaire tellement réel qu’on est attrapé par cette envie incessante de plier bagages et suivre ces hommes et ses femmes afin d’emprunter les chemins de l’aventure.
Des titres nous ouvrent la porte d’entrée, un titre vous chagrine comme « Mon amour ma tristesse » ou vous invite à respirer un air de paix « Le temps des cerises » ou vous projette dans un avenir peu probable « L’Odyssée de l’espace », ou vous introduit dans un univers ténébreux, glauque et visqueux « Apocalypse now ».
Des titres et des titres, voilà l’héritage de ce cinéma qui habite notre imaginaire. Hitchcock – hormis qu’il est le grand maître du suspense – ses films regorgent de perles cinématographiques en termes de cadrage, de plan-séquence avec une forte obstination de meubler le champ visuel de ses plans par des objets qui doivent être exactement là où il faut. Ses titres nous ont toujours interpellés comme des signes et comme des pièges calfeutrés au fin fond de la forêt des images. Des titres qui résument un univers propre à ce réalisateur qui a obstinément appréhendé ses peurs sans les esquiver comme des blessures mortelles. Ce sont des « sueurs froides » de « l’homme qui en savait trop », il lâche « les enchaînés » qui ont eu peur « des oiseaux » qui planent sur eux comme une « Mort aux trousses » pour attraper « l’inconnu du train express » dans un « Psychose » noir.
Ce jeu passionnant de construire des phrases autour des titres de films de Hitchcock est révélateur d’une littérature qui somnole à l’intérieur d’une œuvre littéraire non prononcée de ce génie du cinéma.
Pour conclure sur une note un peu défaitiste, Les salles de cinéma sont désormais ouvertes au Maroc, la rêverie a perdu ses ailes, elle a atterri sur le pur cauchemar de la réalité. En France, le premier jour d’ouverture, les salles ont affiché complet. Nos salles au Maroc se sont livrées à l’attente d’une avalanche spectaculaire des spectateurs assoiffés. Contre toute attente, les chiffres de fréquentations sont terriblement bas.
Le cinéma du paradis est loin d’être désiré.